Onze ans plus tard - le match


*Flashback*

3ème4 et le brevet à la fin de l'année. Si j'arrive à retenir la date d'anniversaire de Jésus je pourrais peut-être décrocher mon premier diplôme scolaire et l'afficher à côté de mon brevet de natation de 1995.
Les filles de ma classe sont plates, j'achète mes soutiens-gorge au rayon femme enceinte.
Les deux mèches grasses sur le devant sont à la mode et je porte des TN avec une jupe par-dessus un treillis.
J'ai un sac à main imitation damier en guise de cartable dans lequel j'enfourne mon 3310 et ma trousse Fido Dido.

Nous sommes approximativement entre le mois de janvier et juin 2004 et je fais un stage dans un lycée professionnel dispensant des cours de métallurgie - ceci n'est pas une blague mais ceci n'est pas le sujet.
Pendant que je soudais du métal avec un autre truc afin de fabriquer un bougeoir, je l'ai vu ou plutôt senti : son regard.
Dans sa salopette grise il me fixait et malgré ma battle de regard avec mes lunettes de sécurité il me regardait toujours et il souriait.
Le bougeoir terminé, les cils brûlés et sept ongles cassés j'étais tombée amoureuse de ce brun mystérieux.

Puis j'ai eu mon brevet (Jesus est né en l'an 0 pour info) et je suis entrée au lycée de la ville voisine, pas très loin de celui où j'avais fait mon stage.
Un matin alors que j'écoutais le dernier album de Diam's et lisais l'horoscope du 20 minutes, dans le bus je l'ai aperçu, toujours aussi beau et souriant : le beau brun du lycée pro.

Internet n'était pas aussi riche qu'aujourd'hui, à l'époque la seule façon d'apprendre des choses sur un mec c'était de se trouver par hasard volontaire partout où il allait.
En tout cas c'était LA solution que j'avais trouvé et c'est ainsi que je l'ai espionné et suivi pendant deux ans.

Le mec du lycée pro est devenu le mec des BD car il passait ses soirées et ses samedis après-midi à lire les mangas au deuxième étage de Carouf, près du rayon librairie.
Croyez-moi, pour l'époque c'était rare un mec qui lisait alone au rayon BD (quelqu'un a dit flippant ?).
Quoi qu'il en soit, comme vous le savez tous - ou pas - j'ai toujours manié l'art du stalking à travers les époques et c'est ainsi que j'avais réussi à trouver son prénom, son adresse et son groupe sanguin.
Pendant deux ans je l'ai observé, rêvé, fantasmé, sans jamais oser lui parler.

J'allais tous les jours à Carrefour faire mine de m’intéresser à Maruto, Naturo ... bref le héros d'un manga qui se lit à l'envers pour espérer le croiser et ... c'est tout.
Je rentrais ensuite chez moi en écoutant "il faut briser la glace il ne faut pas s'voiler la face, défends, ton nom et ta place, fooooonce, fonnnnnnce".

Il ne m'a jamais vu, jamais reconnu et jamais demandé de l'épouser.
En y repensant c'est dingue qu'il ne se soit jamais aperçu de rien dans la mesure où dès qu'il se retournait, j'étais dans le coin, avec ma doudoune Skot (on n'avait pas les moyens d'une vraie) et mon sourire béat.
Le mec du rayon BD ... Je m'en souviens comme si c'était hier alors qu'en réalité c'était il y a 11 ans.

Samedi 24 octobre 2015
00h23

La température avoisinait les 5°C, Yann Moix gueulait sur Besançenot et j'étais en chaussettes moumoutes le cheveux gras et plat.
J'avais été au ciné voir le dernier film de Maïwen "Mon Roi" et comme retweetté par l'actrice sublimissime Emmanuelle Bercot ...

... j'étais dans une grosse interrogation vitale.

Le film m'avait retourné, arraché le coeur et les tripes et je me demandais sincèrement si je ne ferais pas mieux d'aller faire une retraite dans un monastère tibétain plutôt que de m'acharner à me reproduire avec contraceptif.
Puis, je me suis souvenue que l'orange ne m'allait pas et la calvitie non plus, je décidais donc de régler mon problème en réinstallant pour la dix-septième fois Tinder.

Nul/ nul/ nul/ .... hummm ... en fait non / nul/ nul/ mon ex / nul/ nul / un chien/ nul / nul/ ma mère/ nul/ nul/ une bite/ nul/ nul/ merde j'ai zappé la bite !/ nul/ nul / OH MY GOD
En chair et en wifi, sur mon écran, il était là.

Mec des BD/ 30 ans
à 6 km.

J'ai été tellement surprise que j'ai désinstallé l'appli avant même de faire quoi que ce soit.
Tel le hibou, les yeux grands ouverts dans mon salon éclairé par le faciès insupportable de Laurent Ruquier, mon coeur battait aussi vite que lorsque Nekfeu était venu dans l'émission.

00h49, l'esprit calmé j'ai inspiré par la bouche puis recraché par le nez - ou l'inverse - et j'ai fait ce que toute femme aurait fait dans un moment déterminant de sa vie ...


Je n'en revenais pas. Nous pouvions clairement dire que c'était un truc de ouf.
Mais pas aussi ouf que la suite ...

J'ai réinstallé Tinder.

Onze ans plus tard, je rentrais officiellement en contact avec le mec des BD.
Il était toujours aussi beau, toujours aussi à 6 km et surtout célibataire.
Grâce à la technologie, en deux jours je savais où il habitait, ce qu'il aimait dans la vie "la BD ? arrêêêêêteeeeeee !", ce qu'il recherchait chez une femme (en quatre lettres : Mona) et j'avais son numéro de portable.

Depuis ? Et bien vous le saurez prochainement.
En attendant, gloire à la Wifi, gloire à toi Mark même si des fois par ta faute nous devenons folles de like et même gloire à toi Laurent Ruquier.

J'vous laisse, j'ai l'intégrale de Nurato à lire. 
Ou Noruto.
Oh et merde.


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