Quand ma mère a tué mon grand père trois fois

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Vous connaissez l'adage sur le chat qui a neuf vies ? Will Smith qui en a sept et mes cheveux qui en ont ... bon là n'est pas le sujet.

Sachez que ma mère a dans la plus grande décontraction tué mon grand-père trois fois.

S'il y a des policiers dans la salle qu'ils sortent maintenant ou m'attachent à jamais.

La première fois c'était en août 2007. J'étais en dépression - pour changer - car mon fiancé venait de repartir après 4 jours de vacances où il m'avait rejoint à Cannes. J'avais 19 ans et j'étais une victime.

Comme d'habitude quand je suis au bout du roul' = je dors pour oublier.
J'étais donc tranquillement en train de roupiller avec ma soeur qui n'était pas encore chauve (ah ah) lorsque nous avons été réveillées par le téléphone de ma mère qui, à cette époque, lui servait de moyen de communication orale avant que Candy Crush ne voit le jour et que ma mère oublie de façon récurrente son portable dans la voiture ou son frigo.
Elle a décroché, elle a vacillé. Vous connaissez la dramaturgie italienne ? Voilà.
Elle s'est mise à pleurer, pleurer, et du coup nous aussi alors qu'on ne savait pas pourquoi.
Entre deux sanglots, elle a articulé "mon petit papa, mon petit papa".

Okéééééééééé, on a pleuré toutes nos larmes à l'annonce du départ prématuré de mon Papé d'amour, l'homme de la famille, le ciment de nos liens.
Mouillées, trempées et morvées jusqu'au nombril, on aurait dit trois maitresses à l'enterrement de Donc Pietro. Tout est dans le drama style voyez-vous ?

Puis ma mère a repris son téléphone et a appelé son ami chez qui nous séjournions pour lui dire que nous devions partir. Elle a composé le numéro, s'est mouchée dans sa manche (ou la mienne je ne sais plus) et lorsque son ami a décroché elle a dit "je dois partir, ma maman est morte".

WHAAAAAAAT ?? Ah merde. En fait c'était ma grand-mère, pas mon grand-père, du coup on a encore plus pleuré.
On n'enterre pas Papé aussi facilement.

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Il y a quelques mois, j'étais tranquillement en train de me toucher sur Nate Archibald lorsque ma mère m'a appelé ce dimanche à 11h00 précises.
Chelou dans la mesure où ma mère oublie systématiquement son portable dans le micro-onde de son boulot le vendredi avant de partir,

- Mona Archibald j'écoute ? 

Ma mère pleurait, je ne comprenais rien à ce qu'elle disait.
J'ai retiré mes doigts (de mon ordi), me suis redressée et d'un ton solennel j'ai demandé ce qu'il se passait.
Dans ces moments (depuis août 2007), je n'arrive plus à avoir de sentiments, loin de moi l'idée d'être dans le pathos mais disons que j'ai vécu tellement de situations affreuses dans ma vie que maintenant j'arrive à prendre le recul nécessaire pour ne pas me laisser envahir par mes émotions.
J'appelle cela mon robot moment (prononcé à l'anglaise).

Ma mère en sanglots m'a dit :
- Les pompiers sont venus chercher Papé, il a fait un malaise chez lui. Je viens te chercher.
Et elle raccroché en toute décontraction.

Okééééééé. Donc les pompiers sont venus chercher Papé, le corps de mon grand-père donc, suite à un malaise. Mon grand-père a eu un malaise, les pompiers sont venus chercher son corps. Papé a eu un malaise, les pompiers ont emmené son corps ... Robot moment.

+ 1h30 ma mère n'était toujours pas arrivée et je me pelais le cul dans la rue en répétant sans cesse la phrase "il a fait un malaise, pompier .. chercher ... Papé ..." tel le droïde sexy que j'étais.
Mon père m'a appelé au même moment,
- Ca va ?
- Bah bof en fait, je crois que Papé est mort mais j'suis pas sure.

Finalement, ma mère est enfin arrivée, elle avait perdu les clefs du garage et donc, était bloquée pour sortir.
Je précise au public que ce genre de situation est complètement normale et totalement récurrente dans ma famille.

Papé avait en effet eu un malaise et les pompiers étaient bien venus le chercher car par chance, il était au téléphone avec ma tante au moment de rejoindre le sol avec surprise.
Elle a donc prévenu le voisin qui a appelé le 17 et ils ont défoncés la porte comme dans les films pendant que mon grand-père disait "ma qu'est cé que vous foutez là, cassez-vous de chez moi", toujours par terre la tête en mode téléthon et les pieds en l'air.
A ma question posée : est-ce-qu'il y avait un pompier canon ? Sa réponse fut : ma non. Jé m'en fous.

Papé était donc toujours vivant.


Et puis y'a eu hier soir, je sortais de chez Undiz avec l'intégralité de leur collection grands bonnets feat bodys transparents et j'imaginais déjà le moment où j'allais afficher mon boule dans cette dentelle jaune moutarde lorsque ma mère m'a enfin rappelé.
Je dis enfin parce qu'elle ne comprend toujours pas le principe du téléphone et son utilité hors réveil et photos de mon neveu.

Mais avant de continuer vous devez savoir que suite au malaise de mon grand-père, aux examens passés et autres scanners, on lui a détecté un cancer. 
Ça c'est pour la bonne nouvelle franche et drôle de l'article. Ne vous inquiétez pas, la #TeamCancer fait désormais partie intégrale de ma famille et ils peuvent s'échanger leurs anecdotes de chimio avec ma soeur.


Donc Papé cancéreux - aussi - son état est certes préoccupant (perte de poids, d'appétit, chimios, infirmières, soins à domicile etc ...) mais surtout on en parle beaucoup, trop beaucoup, tout le temps en fait.
Je veux dire que ma mère et ma tante sont H24 en boucle sur mon grand-père et sa maladie alors que parfois j'aimerais juste qu'on parle d'autre chose que de découvert et de cancer, mais bref on parlera de mes cheveux et de mon addiction aux hommes une autre fois.

Quoi qui'il en soit, lorsque ma mère m'a appelé hier soir et qu'elle m'a dit la voix tremblante :
- Mona .... avant de raccrocher prise par l'émotion, j'ai compris direct.

J'ai payé mon soutif qui de toute évidence serait bien trop petit et j'ai rappelé ma mère en sortant.
Elle pleurait toujours,
- Tu es où ? Tu peux venir ? *chiale chiale chiale* / *mouche mouche mouche * sanglots *
- J'arrive - robot time.

J'ai traversé tout le centre commercial avec mon sac rempli de strings et j'ai appelé Natacha. J'ai pleuré un peu, puis je me suis rebooté en robot.
J'ai marché en pleurant et priant le ciel en même temps (on imagine tous la scène ?). J'ai marché en me demandant pourquoi, est-ce-qu'il y avait une malédiction sur ma famille ? Est-ce parce que je ne suis pas une bonne personne ? et BIM je re-chialais en public, sans pression, les larmes inondant mon nouveau pull Esprit.
Comme dans un instant de survie, j'ai composé son numéro, je me suis dit qu'il ne servirait plus à rien et j'ai attendu qu'il décroche ... je priais je priais, ça sonnait dans le vide .... pitié pitié ...
Et là, soudainement, 
-  Maaa ouuouiii ? 

Putain de bordel de merde. Je me suis arrêtée net, j'ai ravalé mes sanglots tant bien que mal et j'ai demandé à Papé comment il allait.
Sa réponse fut : ça va ça va, mais qui voulait en réalité dire "poulllquoi vous m'appélé tous pendant les rrrrréclam mi rompe le palle à mé dérrrranger tout lé temps poul dé la merrrrrda".

J'ai raccroché, j'ai pas compris. J'ai failli vomir mais me suis retenue parce que j'avais un pull neuf et pas de mouchoirs. Mes jambes ont commencé à me lâcher mais je n'avais aucune envie de faire un malaise dans le quartier de ma mère où un gamin de 14 ans en crise d'ado et qui écoute Jul en aurait profité pour me voler mon sac et me toucher les seins au passage.
J'ai continué d'avancer, j'ai monté les trois étages et j'ai ouvert la porte de chez ma mère. Elle passait l'aspirateur à l'étage mais le salon était plongé dans le noir.
- M'man ??

Elle est descendue, elle m'a regardé et a pleuré. J'ai demandé "WTF" dans le plus grand des calmes et là, tranquille Emile, elle me dit que finalement on ne pourra pas partir en weekend pour mon anniversaire.

[...]

Là tout de suite, plusieurs choses se sont passées dans ma tête. Tout d'abord je prenais un couteau et l'enfonçais dans l’œil de ma mère en hurlant MAIS PUTAIN JE M'EN FOUS DU WEEKEND J'AI TRAVERSÉ TOUTE LA VILLE PENSANT QUE PAPÉ ÉTAIT MORT ET TU ME PARLES DE TON PRÊT ???!!! MAIS C'EST QUOI TON PROBLÈME SÉRIEUX !! MERDE MERDE MERDE !!!! FAMILLE DE TARÉS VOUS SAVEZ PAS VOUS EXPRIMER NORMALEMENT ?!!!

A la place je lui ai (vite fait) crié dessus, lui suggérant d'être plus explicite dans ses propos afin d'éviter au monde des crises d’angoisses cardiaques et je lui ai fait un câlin - quand même.
Elle se sentait tellement mal qu'elle m'a fait des tomates buffala donc j'allais mieux.

Mesdames, Messieurs, ne me demandez pas pourquoi ma mère veut tuer prématurément mon Papé mais sachez qu'il va bien et qu'il est en ce moment même en train de se faire toucher la nouille par une infirmière.
D'ailleurs je ris de ma blague qui n'en n'était pas une de base car se faire toucher la nouille quand on est italien c'est encore plus drôle.

A ma famille : contrôlez vos émotions bordel.


 




A mon Papé, VIVANT.
A ma mère, dramaturge.
A ma soeur, nique ta mère.
A ma tante, courage sur le D.

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