Ma Bretagne, entre souvenirs et futur

 

Actuellement en vacances à Miami Douarnenez en Bretagne et plus précisément à Venice Beach Tréboul aka le village breton de mon enfance, j'avais envie de vous raconter un peu les nouvelles d'ici.

Tréboul j'y ai passé tous mes étés lorsque j'étais gamine et je nous revois encore, ma soeur et moi, chercher des étoiles de mer et des crabes dans les rochers, magnifiquement swagguées dans nos méduses en plastique et nos chapeaux d'été méticuleusement choisis par ma mère.
Les étés où nous mangions du poisson et qu'on se faisait engueuler parce qu'on ne terminait pas nos assiettes et que donc "n'avions plus faim pour le dessert".
Non mais seriously ? Qui est le teubé qui a inventé cette expression de merde ?

Si t'as plus faim pour ton plat t'as plus faim pour le dessert ?

Tu penses réellement que si j'en ai marre de mon cabillaud au riz je n'aurais pas quand même envie de défoncer le kouing-aman ? Boloss.
Ce genre d’événement peut marquer à vie, demandez à ma soeur comment a t-elle ressenti cette journée passée devant son crabe, qu'elle n'a jamais terminé mais dont mes parents l'ont contrainte et forcée de regarder des fois que l'envie reprenne soudainement, et qui, s'est finalement endormie de fatigue et de larmes dans son assiette ?


Je me souviens des après-midi à la plage familiale, entre châteaux de sable et recherches assidues de gobies, que je n'attrapais jamais puisque anyway j'avais peur de leur capacité à se mouvoir un peu trop rapidement à mon goût.
La caractéristique d'un poisson en soi.

L'odeur de mi-humidité mi-marine de la maison à deux étages, la vue sur la mer et les bateaux, le grand jardin dont l'accès se fait par un énorme escalier de pierre et la tente que mes parents avaient planté dans le jardin pour qu'on puisse y jouer sauf que les araignées et autres insectes y avaient élu domicile et qu'on avait peur d'y entrer.
Visiblement pas mes parents qui tandis que nous faisions nos siestes d'enfants, eux faisaient la leur d'adultes souillant ainsi l'innocence de la tente du jardin.

La crème NIVEA bleue après-soleil que ma mère nous étalait sur le bout du nez et dont je me rappelle encore l'odeur, cet incident d'arbre et d'arcade sourcilière de ma soeur l'été 1995 qui lui a valu un coquard énorme et a valu à mes parents certaines questions quand a la tronche de Ribery que ma jeune soeur s'est traînée pendant des mois.
Conseil d'amie : ne jouez jamais à la toupie avec votre soeur de 4 ans près d'un pommier de 4 mètres.
Conseil d'amie bis : ne lâchez jamais votre soeur de 4 ans après avoir joué à la toupie près d'un pommier de 4 mètres.

 
Les crêpes beurre-sucre, le cidre doux, les mouettes et la pêche que je détestais.
Quel est le but de cette activité qui consiste à attendre des heures un putain de poisson a moitié éclaté, sous un soleil de plomb ou une pluie battante, avec des bottes de pluie et une casquette de capitaine ?
Ah pardon, on me dit dans l'oreillette que c'est pour l'Outfit of the Day spécial Marin 1996.
Le ciré jaune, le bout du nez qui pèle, des vacances en famille et le bateau de papy.

Puis tout est parti en couilles.

La première année c'est lorsque nous sommes parties seulement à trois en Bretagne, le père ayant élu domicile dans la standardiste en intérim de son boulot.
Mes grands parents-paternels, grands princes, avaient accepté de prêter "quand même" leur maison à ma mère pour qu'on puisse "quand même" partir en vacances, père ayant transféré ses comptes en banque dans la standardiste en intérim.
Curieuses que sont les premières vacances à trois alors que jadis nous étions quatre et heureux mais cela n'est pas le sujet. 
D'ailleurs si on nous demande à ma soeur et moi quels sont nos meilleurs souvenirs de vacances, on ne vous parlera que de ceux passés avec ma mère à base de camping et de tornade, de piscine et de salade de concombres, de tempête de pluie et d'abandon familial dans une tente parce que oui, un été alors qu'une tempête avait dévasté le camping, ma mère et ma soeur se sont réfugiées dans la voiture oubliant juste que je dormais dans la tente ce qui lui a évité de s'envoler et a créé dans mon être la peur panique du vent.
Bref, les vacances avec maman c'était le top, même sans père.
Note de l'auteur : cette histoire nous démontre encore plus la faiblesse d'un homme face à une standardiste en intérim mais là n'est pas le sujet.

Donc cet été là, à défaut d’emmener le père nous avions pris le chat - pas le même délire.
Un beau jour de juillet m'a mère nous informa que nous devions sortir pour "une surprise", nous sommes donc parties à la gare toutes les trois, ma sœur avec son doudou à la main et moi avec mes tresses et mon épuisette (?!?).
Nous attendions, regardions, observions tandis que ma mère nous disait "attendez, vous allez voir !" et alors que nous avions hâte de voir nous avons aperçu notre père au loin.
Moi, fayotte, j'étais trop heureuse mais je crois que ma sœur a fait la gueule, je ne m'en souviens pas distinctement mais la connaissant comme si je l'avais faite - ce qui serait très, très chelou - je crois qu'elle avait un peu le seum.
Père nous avait fait la surprise de nous rejoindre pour les vacances.
Les gens normaux diraient "heu ? chelou !" mais nous pas du tout car nous étions pressées de montrer toutes nos trouvailles de pêches et de cueillette à notre père.
Des vacances à quatre comme si tout était normal et qu'il n'y avait jamais eu d'intérim, c'était le plan prévu par nos parents pour - sans doute - prétendre à un équilibre familial sain.
Il n'en fut rien, mon père a fait un infarctus dans la nuit.

Vous avez dit vie de merde ? Je répondrais KARMA.
Passée l’euphorie des retrouvailles à la gare, nous sommes rentrés tous les quatre et dans la nuit mon père a eu un problème au coeur.
La blague c'est que le médecin de nuit qui s'est pointé état bourré comme un porc et n'arrêtait pas de se prendre les pieds dans le tapis de la chambre.
C'est mon père à moitié vacillant qui l'a porté pour le mettre dans sa voiture.
Parlez-en à ma mère 20 ans plus tard et elle explosera de rire tant la situation était hilarante, si on oublie le côté dramatique de la situation de mon père à moitié en train de mourir.
AMBIANCE ! Vous avez dit AMBIANCE ?
Mon père s'est fait hospitaliser le reste des vacances où nous allions le voir tous les jours entre ses soins faits par un infirmier gay cliché puissance mille et ma mère qui essayait de faire comme si tout était normal.
Son infirmier c'était Jeremstar en blouse blanche les gars, sans déconner. Un gros sketch.
Je vous rassure mon père est vivant à l'heure où je tape, il est toujours dans l'intérim et nous n'avons plus jamais passé de vacances à quatre.


Cet épisode passé, curieusement les vacances en Bretagne ne m’intéressaient plus beaucoup, j'étais une pré-ado qui avait autre chose à foutre que de bouffer du poisson aux arrêtes et de pêcher des crabes, m’intéressant davantage à la pêche aux thons mecs.
Ma mère n'est plus jamais revenue - divorce de boloss oblige - et mon père a déménagé dans le sud.
Quoi qu'il en soit je n'étais plus revenue ici depuis près de 13 ans, jusqu'à l'année dernière où - pour rigoler parce que chacun sait à quel point je suis hilarante - j'ai dit à mon père "dis à papy qu'il me file les clés de la Bretagne j'ai envie d'y aller cet été" et que très sérieusement papy m'a rappelé quelques jours plus tard pour me demander quand je voulais partir.
Depuis, c'est la deuxième année où je passe des vacances bretonnes en tête-à-tête avec papy et c'est plutôt cool.
Je mange du poisson et je finis mon assiette, je vais à la plage mettre ma crème toute seule, je bronze, je regarde ces familles qui me rappellent des souvenirs et j'ai hâte de construire la mienne.
Je suis partagée entre la mélancolie et la nostalgie mais je pense à ma mère qui lisait ses bouquins tandis que nous jouions dans les vagues et aujourd'hui c'est moi, adulte qui lit mes bouquins tandis que les gamins d'à côté balancent du sable et j'ai envie de les niquer.
J'espère emmener mon neveu ici un jour pour qu'il goûte, comme nous à son âge, aux vacances en Bretagne mais pas sûr que ma soeur accepte dans la mesure où le pommier lui a laissé des séquelles irréversible.



Je me sens un peu seule dans cette maison pleine de souvenirs mais je suis contente de m'en forger des nouveaux avec mon grand-père parce qu'à ce qu'il paraît "partir en vacances avec son grand-père pour une fille de mon âge c'est très rare" - conneries.
Je bouquine Virginie Despentes sur fonds de chants de mouettes et de vagues, en regardant les gamins chercher des gobies dans les rochers, vêtus de leurs méduses et de leurs chapeaux.
J'entends les mères appeler leurs enfants pour leur mette de la crème sur le nez, je regarde mon papy préparer le poisson, je sens l'odeur du jardin et essaye d'encrer tous ses souvenirs dans ma tête pour qu'un jour, à mon tour ce soit moi qui mette de la crème sur le nez de mes enfants et je leur raconterai mes étés en Bretagne lorsque j'avais leur âge et surtout, celui où j'ai pris conscience que j'avais vraiment envie de transmettre tout ça et d'étaler à mon tour de la crème NIVEA bleue sur le bout de leurs nez.

 


Mention spéciale à la meilleure des mères, même si elle m'a abandonné dans une tente.
A mon père qui a toujours soigné ses entrées.
A ma soeur et son pommier attitré dans lequel il y a encore la trace de sa face.
A mon papy qui est juste en face de moi et grâce à qui je me forge plein de souvenirs d'adultes.
Vive la Bretagne. Vive Tréboul.



17 commentaires