Une journée en enfer - Ciao 2017 !


Bon parlons peu mais parlons bien.
Cette journée que j'appellerai "une journée en enfer" a été la plus dingue de l'année 2017.
Il était donc impensable que je ne vous en parle pas.

Je ne sais pas vraiment par où commencer donc je commencerai par le début, l'année 2011.
En 2011 je quitte mon fiancé, je vends des paninis et je découvre mon potentiel de séduction et donc, profite de mon tout nouveau célibat.
J'ai à peine 24 ans, ma soeur 19. 

Ma soeur elle, vend des gaufres l'étage en dessous. Elle gère le stand, c'est son premier boulot et avec son premier salaire elle s'est offert un sac Louis Vuitton. 
Ce sac ce n'est pas seulement un sac monogrammé pour se la raconter à 19 ans, non c'est SON sac. 
Celui qu'elle s'est offert avec sa première paye cette année 2011, celle où elle est tombée enceinte.
C'était le début de sa réussite professionnelle, elle qu'on a beaucoup narguée par son manque d'études et de diplômes, elle était devenue Responsable de magasin en quelques mois et depuis, n'a fait que gravir les échelons et a fini par gérer à elle seule un magasin.
Son sac elle l'a gravé de nos initiales - MC - c'est celui dans lequel elle trimbalait son dossier médical de grossesse, celui où elle a fourré des couches et des biberons, celui avec lequel elle est partie à New York et celui que je lui taxe dès que l'occasion se présente.
Bref, son sac Lous Vuitton il fait un peu parti de la famille.

Année 2012, naissance du soleil de notre vie mais surtout de la sienne : Nerio.
Malheureusement c'est également l'année de la séparation de ses parents.
Je ne rentrerai pas dans les détails scabreux de leur fin d'histoire mais depuis 5 ans maintenant, se joue un loooong procès entre ma soeur et le papa de Nerio, pour plusieurs raisons diverses et variées qui les regardent, un dossier judiciaire est constitué depuis 2012.
Courriers, audiences, preuves etc. le fait est que ma soeur repasse en jugement incessamment sous peu et que nous sommes donc en plein dans les attestations, les témoignages, les plaintes et j'en passe de la GROSSE MARRADE.

Année 2017, ce fameux vendredi 22 décembre.
Dernière journée avant les vacances d'hiver, les premières de ma vie.
Je bosse sur mes projets pros, l'après-midi je vais signer mon contrat de stage et le soir j'ai le dîner de Noël avec les copains de ma classe. Une belle journée en somme.

J'imprime les derniers documents que ma soeur m'a demandé pour son jugement, je mets le tout dans une pochette, je lui demande d'apporter le sac Vuitton quand elle viendra les chercher (pour me le prêter / pour me la péter à ma signature de contrat) et je sors m'acheter un sandwich.
Ma soeur m'envoie un message, elle est dans le train et sera là dans dix minutes, le temps de passer voir ma mère pour lui rendre son portable et ses lunettes qu'elle avait oublié la veille.
Moi j'attaque mon panini trois fromages.

13h30 ma soeur arrive finalement plus tôt, elle passera voir ma mère plus tard.
Moi, j'étais en train de raconter l'histoire du Vuitton aux gens de ma classe, THE Vuitton qu'elle aime tant et qu'elle va me prêter / pour me la péter - juste avant son arrivée.
Je la présente toute fière puis passée l'euphorie de ma soeur ma vie mon œuvre je lui demande si elle ne se foutrait pas de ma gueule,

- t'es sérieuse, il est où le Vuitton ?

Moment de malaise, ma soeur se fixe, immobile. Elle est tétanisée et me regarde l'air paniqué.
Quand enfin elle ouvre la bouche :

- oh non, j'ai oublié tous mes sacs dans le train.

Elle éclate en sanglots et part en courant.
Tous ses sacs = gros cabas contenant le Vuitton + les dossiers de son procès + le téléphone et les lunettes de maman + son livret de famille. Cinq années de procédure envolées, comme ça.
C'était la catastrophe.


ET LA A COMMENCÉ :
 * LA JOURNÉE DE L'ENFER *



Je n'avais plus faim, j'imaginais ma soeur courir partout dans la gare totalement perdue parce  u'évidemment ! vous l'ignorez mais ma soeur a la phobie des transports. Elle ne prend quasi jamais le train.
Sûr que là elle ne montera plus jamais dans les transports en commun.

Là elle m'envoie un message : "je suis effondrée".  Il me reste 10% de batterie, je porte un pull de Noël et je n'ai pas terminé de manger. Je n'ai pas réfléchi une seule seconde :

- J'arrive.

J'ai retrouvé ma soeur devant la gare, elle était en sanglots, elle avait tout perdu. Toutes les preuves pour son jugement, son livret de famille, le téléphone de notre mère et son sac qu'elle aimait tant. Toutes ses affaires voyageaient en classe éco en direction de Paris Montparnasse. Là encore je n'ai pas réfléchi et je l'ai attrapé par le bras, avant de courir vers les quais.

- On va à Montparnasse ! 

J'ai validé ma carte de transport, j'ai poussé ma soeur devant moi pour la faire passer et nous avons chopé un train pour Paris.

Ma soeur n'arrivait pas à se calmer.
Elle avait perdu tous les documents pour son procès, des documents officiels, des originaux, des preuves irremplaçables.
Pendant ce temps, avec mes 7% de batterie, j'appelais le téléphone de ma mère - en vain - qui sonnait dans le vide jusqu'à ce qu'il ne sonne plus du tout, coupé, éteint.
S'en est suivie une bataille pour trouver le bon numéro afin de couper sa ligne, avec ma batterie quasi à plat, ma soeur toujours au bout de sa vie tandis que je me demandais comment j'allais faire pour mon rendez-vous professionnel de l'après-midi.

Puis, tout à coup nous avons entendu :

- Mesdames et Messieurs bonjour, contrôle des titres de transport s'il vous plait !

Putain les contrôleurs.
J'ai ordonné à ma soeur de ne pas bouger puis j'ai couru vers le contrôleur - qui était très, très mignon - et qui le pauvre a cru que j'allais le mêler telle la rugbywoman que je ne suis pas, tellement j'ai foncé tête baissée vers lui,

- Oui bonjour pardon, Montparnasse, en fait voilà ma soeur, moi j'ai hein, mais dans la précipitation parce que son sac, Vuitton, et jugement, elle est là on est enfin vite pour trouver le sac parce que portable maman et Louis mais pleurs pauvre vite parce que train livret de famille et ...

- Je n'ai rien compris Mademoiselle.

J'avais une putain de crise d'asthme.

J'ai repris mon souffle et calmement j'ai expliqué au Monsieur que dans la précipitation de cette journée de l'enfer, on n'avait pas pris de ticket pour ma soeur mais que j'avais le mien et que la pauvre, on n'allait pas l'accabler davantage avec une amende de 75 €.

L'amour de contrôleur (notez cette date, plus jamais vous ne verrez ces deux mots ensemble) a vu la gueule de ma soeur à qui je n'avais même pas eu le temps de dire "ferme ta gueule et pleure" qu'elle pleurait déjà la pauvrette.
Il a bien compris qu'on ne blaguait pas et nous a souhaité bon courage.

- Merci ..... homme de ma vie ! 

mais il n'a rien entendu parce que ma soeur pleurait trop fort.

Le simple fait d'évoquer ses dossiers contenant tous ses papiers a suffi à ma soeur pour sangloter encore plus qu'avant et entre deux litres de larmes, elle proposait qu'on descende à toutes les gares de la ligne pour fouiller toutes les poubelles.
L'idée n'était pas con en soi mais nous n'avions pas trois jours devant nous non plus.
D'ailleurs, j'avais à peine eu le temps d'envoyer un mail à ma future boite pour les prévenir de mon retard que mon téléphone s'éteignait dans un gros fuck.
Apple nique ta mère so much.

Entre-temps, je conseillais à ma soeur de faire l'inventaire de tout ce qu'il y avait dans son sac afin de savoir exactement ce qu'il fallait refaire, redemander etc.
Elle s'est souvenue que la première chose visible était son livret de famille, dont le premier nom était celui de son ex et que si quelqu'un trouvait ses dossiers, il verrait son nom de suite et le contacterait lui directement, donc.
L'image de son ex en possession de toutes les preuves qu'elle avait accumulé contre lui a replongé ma soeur dans un état de suicide imminent.
J'avais envie de me gifler avec mes idées de merde.

Enfin arrivées à Montparnasse, la journée de l'enfer a continué.

Nous nous sommes séparées et avons littéralement pris la gare d'assaut, alors que trois cents millions de personnes étaient présentes, dont des tablées de goûter de Noël.
Nous avons fouillé toutes les poubelles, questionné tous les agents de sécurité, d'entretien, d'accueil, les flics et les militaires. 
Nous avons fouillé de bas en haut, de gauche à droite et de long en larges TOUS les trains qui étaient à quai.
Sans succès.

Ai-je précisé que nous nous sommes faites arrêtées à CHAQUE passage par les contrôleurs ? Évidemment. 
Avions-nous réellement pris le temps d'acheter un ticket à ma soeur ? Absolument pas. 
Ont-ils TOUS été super compréhensifs et sympa ? Totalement.

Nous avons prié à chaque accueil, quand la personne nous demandait d'attendre et qu'elle allait vérifier les bureaux, pour finalement revenir les mains vides, "désolé!" toujours rien, aucune trace du sac.

Nous avons été redirigées vers les objets trouvés, avons pris le quai le plus long du monde, pris des escalators à n'en plus finir, sûrement changé de pays puis nous avons atterri aux objets trouvés AKA la face cachée de la gare Montparnasse.
Ma soeur a déposé sa requête puis nous sommes reparties, toujours bredouilles.
Sans déconner, depuis le temps que je vis en région parisienne et le nombre de fois où j'ai arpenté cette gare, j'ignorais tous ces recoins cachés.

Nous étions hors du temps, tout était irréel. C'est pour cette raison qu'en sortant du bureau nous sommes le plus normalement du monde tombées nez-à-nez avec ... Benoit Hamon.

- On le connait non ? a dit ma soeur
- Putain c'est Benoit Hamon !

Il était pépouze avec ses valises et sa petite famille, à attendre l'ascenseur pour rejoindre son TGV.
J'avais trop envie de courir vers lui et lui dire combien je l'aimais et regrettais de ne pas lui avoir donné mon vote mais je n'avais pas le temps.

Benoit si tu me lis : je t'aime.


Nous sommes reparties vers les quais, toujours en mode WTF mais qu'est-ce-qu'il foutait là Benoit ? et nous avons refouillé les derniers trains arrivés.
J'ai prié longtemps, je n'arrivais pas à comprendre pourquoi cette épreuve nous arrivait à nous, à quatre jours de Noël, alors que nous étions des gens bien. Je trouvais ça injuste, injustifié et nul à chier.

À bout de forces et d'idée, nous avons repris le train pour rentrer chez nous.
Sur le trajet j'ai demandé à ma soeur d'envoyer un message à ma copine d'école pour lui demander de prendre mes affaires, voyant l'heure tourner car j'avais TOUT laissé en cours, c'est-à-dire :

- mon ordinateur
- mes cours
- ma chemise à fleurs dans laquelle je devais signer mon contrat pour être classe et belle
- ma clé USB contenant mes projets perso et pros
- mes stylos préférés
- mon éclair au café.

Moi, je devais m'arrêter à Versailles puis reprendre un autre train pour aller signer mon contrat, tandis que ma soeur rentrait chez elle au bout de sa life.
J'étais aussi au bout de la mienne. Trop triste pour ma soeur, je trouvais toute cette histoire beaucoup trop injuste et je portais un fucking pull kitsh de Noël pour aller signer un contrat de travail.
Mon téléphone était éteint, ma soeur avait la tête d'un panda anorexique sous ecsta et j'étais hyper en retard.

Avant que je ne l'abandonne à son triste sort, elle m'a demandé d'aller voir au guichet de Versailles s'ils n'avaient pas trouvé son sac. 
Je lui ai répondu que je n'avais pas le temps car j'avais une correspondance. Elle m'a rétorqué que mon prochain train était dans dix minutes et donc, j'avais largement le temps d'aller demander à l'accueil.
Honnêtement les gars, j'étais saoulée au max. J'étais fatiguée, épuisée, en sueur, j'avais plus de tel, pas pu bosser de la journée, j'étais en retard pour mon rendez-vous et je n'avais même pas fait les courses pour mon dîner de Noël du soir.
Mais comme c'est ma soeur, j'ai dit oui.

Je suis descendue du train et j'ai été demandé au guichet s'ils n'avaient pas trouvé un sac,

- Un sac comment ?
- Bleu, style cabas
- Y'avait quoi dedans ?
- Des papiers, des chemises avec des documents de justice (j'allais pas parlé du Vuitton, il l'aurait gardé et/ou ne m'aurait pas cru.

Le mec m'a sorti un sac jaune. Il est con ou quoi ?

- Non c'est pas lui.

Il a été voir plus loin et m'a montré un autre sac :

-  Et ça ?

PUTAIN DE SA RACE DE PUTE. C'était le sac bleu de ma soeur.

Je vous épargne la scène qui a suivi, toute la gare a assisté au spectacle du siècle : c'est-à-dire moi hurlant entre joie et haine, à base de :

PUTAIN MERCI MERCI !! 
OH LES FILS DE PUTE ILS ONT PRIS LE VUITTON.
MERCI MERCI LES POCHETTES SONT LA !!!
OH PUTAIN LES FILS DE PUTE ILS ONT PRIS LE PORTABLE DE MAMAN !

Pendant ce temps, le mec toujours aussi con me demandait de confirmer l'identité de la personne à qui appartenaient ces papiers.
Sa clairvoyante collègue lui a répondu : "nan mais je crois que c'est bien à sa soeur hein, ça ne sera pas la peine", tandis que je faisais la roue dans le hall alors que je ne sais pas faire la roue.

J'ai eu ma correspondance de justesse, tenant fermement à m'en péter les phalanges le sac de ma soeur avec ses pochettes et tous ses papiers. Même les lunettes de maman étaient là.

Le sac Vuitton et le portable étaient-ils portés disparus ? Bien évidemment.

Je suis descendue à la gare de mon futur boulot : tempête de neige, what else ?
J'ai traversé le boulevard, suis montée dans mes futurs bureaux et en attendant mes nouveaux chefs, j'ai mis mon téléphone à charger direct.
Quand le premier boss est arrivé, je lui ai précisé que je n'avais pas eu le temps de me changer, d'où le pull clignotant. Il n'a rien dit mais a validé le pull.

Le second boss est arrivé : même discours.
J'ai tenu à préciser à mes futurs patrons que j'avais du style et ne m'habillais pas tous les jours comme ça. 
Les mecs ont kiffé mon pull, on a signé les contrats et on s'est fait la bise.

En repartant, la batterie chargée j'ai vu que j'avais environ trois cents messages, c'est à dire quatre, dont trois de ma copine qui voyant que je n'arrivais pas, se demandait quoi faire de mes affaires, sachant que l'école était fermée jusqu'à 2018.
Les messages dataient d'il y a deux heures.

Ok elle n'avait pas eu mon message. Je me voyais déjà passer les vacances sans ordinateur et j'ai commencé à tachycardier.
Grâce à Dieu je ne suis entourée que de gens géniaux car elle avait évidemment embarqué toutes mes affaires et est même venue me chercher à la gare.
Il était 19h30, j'avais à peine repris mon souffle et réalisé la journée que je venais de passer.

On avait perdu le Vuitton et le portable mais nous avions retrouvé l'essentiel : les dossiers de ma soeur.
Elle qui ne prenait jamais le train, nous avons fait le tour de Paris.
Moi qui haïssais les contrôleurs, je recherche toujours celui que nous avons croisé et qui nous a laissé passer sans nous verbaliser.
On a croisé Benoit Hamon dans le plus grand des calmes.
On a visité toute la gare Montparnasse en toute décontraction.
J'ai signé mon futur boulot avec un pull de Noël et le soir, à mon Noël des copains d'école on m'a offert une tasse avec écrit "tu es unique".  Putain que oui, ma vie est unique ouais !

J'ai passé la semaine avec l'histoire en boucle dans ma tête, je ne m'en remettais pas, c'était un truc de ouf. 
Un jour, j'ai appelé Louis Vuitton pour commander le sac et l'offrir à ma soeur pour Noël.
J'avais de la peine pour elle et si je ne lui avait pas demandé de le prendre pour qu'elle me le file, il ne serait pas perdu.

Le mec au téléphone m'a dit :
- 945 € Madame.

J'ai répondu "merci je vous rappelle", je ne l'ai jamais rappelé et ma soeur a eu un pull Bambi à Noël.

J'ai surveillé les petites annonces sur le BonCoin des fois que ces FDP mettent le sac en vente et j'avais déjà prévu quels mecs j'allais envoyer pour leurs péter les genoux.

C'était une putain de journée en enfer.

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Vous pensez que l'histoire s'arrêterait ici ?


La semaine suivante, nous étions invitées à manger chez ma soeur, ma mère et moi.
Alors que nous nous remémorions cette journée de l'enfer, tout-à-coup ma soeur s'est écriée :

- ah mais je vous ai pas dit ! juste avant de se lever et de sortir du salon.

Nous sommes restées assises, à attendre la chute et là ... dans LA PLUS GRANDE
NORMALITUDE
COMPLÈTE
DU MONDE,

ma soeur est revenue, portant à son bras, son sac Louis Vuitton.


- Je vous ai pas raconté !?!

Bah non.


[to be continued ...]





EDIT
Je viens d'apprendre que la compagne de Benoit Hamon est responsable des affaires publiques chez LVMH.
Hasard ? Je ne pense pas.

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