Le jour où j'ai vomi dans mon sac à main


Ceci n'est pas un titre métaphorique.
Il représente juste un lourd moment de solitude vécu dans ma jeunesse folle.

Je me baladais sur l'avenue, le coeur ouvert à l'inconnu et comme toute banlieusarde qui se respecte, passé minuit le seul moyen de rentrer chez toi quand t'es mineure et pauvre est de prendre le bus de nuit.

→ LE BUS DE NUIT ←

Ou un simple car accueille tous les banlieusards de sortie sur la capitale qui sont trois cent mille et dont l'espace ne peut accueillir seulement que ... trente personnes.
Néanmoins, quand tu sais jouer des coudes (et des pieds) tu peux avoir l'immense privilège de monter à bord du jadis noctilien n° 121.
Plus d'une heure de trajet entre les gens bourrés, les recalés de boites, le couple de touristes qui s'est perdu et moi. Moi qui ne supporte pas les voyages en car et ce depuis l'enfance.
Au centre aéré c'était déjà tout un sketch,
- On laisse Mona s'installer devant elle est malade en caaaaaar avec mon sac plastique sur les genoux que ma mère glissait toujours dans mon sac à dos.

Le bus de nuit vacille grille les feux et roule sur les trottoirs.
Il est important de préciser que le pourcentage d'accidents du 121 est de 98,87% selon ma propre opinion.
Les mecs ne sont pas là pour faire du tourisme mais rentrer rapidement chez eux après leur tour d'Ile de France.
Donc la sécurité, les limitations de vitesse toutçatoutça ils n'ont franchement pas le time.
Moi j'étais là, avec mes deux mèches au gel sur le devant, mes TN aux pieds et un jogging BLANC avec un t-shirt écrit DIAMS et j'ai commencé à regretter ma Smirnoff au citron.


Un virage, deux, trois.


Tiens je suis verte. Mon estomac me remonte dans la bouche, je pourrais presque décrire la composition de mon dernier repas dans les moindres détails.

- Meuf j'me sens pas ienb al, ca va ap du tout. 
ai-je dis, à BFF
- Tu vas pas béger là ?


Le virage ultime de l'A86, sa verdure et ses chênes, ma face qui suintent la galette arrivante. Et là ... autour de moi ... J'observe ...
Ma BFF qui joue à snake sur son 3310, un mec qui louche sur mes TN, une blonde platine avec des bottes en cuir - probablement une prostituée - et un groupe de mecs qui écoute Rohff.
Je fouille dans mes poches : dix francs *LOL*, un mouchoir dégueu et une place de ciné à 6€ la belle époque.


Virage numéro trois mille cinq cent vingt deux.


Tiens, j'ai mangé du bœuf épicé à la cantine il y a deux jours.
Mes mèches grasses sont finalement trempées et mon 105 D sue sous mon t-shirt, si bien qu'on lit désormais DAS sur mon torse.
Je commence à paniquer
Je re-regarde autour de moi, qu'ai-je en ma possession ? Mais non ... impossible, je ne peux pas faire ça... c'est celui de ma mère, il est vintage et collector. Bluuurp. J'me sens pas bien ...


Pas le temps de réfléchir.


Je vide mon sac, quelques piécettes, ma carte de transport, l'album de Sniper et des têtes brûlées.
Je vide tout très rapidement, perds la moitié de mes affaires sur la moquette usée du car et j'ai juste le temps d'ouvrir le sac et ................................... J'ai gerbé dans mon sac à main.

Autour de moi, une symphonie parvient à mes oreilles, une musique envoûtante, comme pour décrire le moment présent, en apesanteur, le temps s'est arrêté ... Cette musique ... Ma vie, un film ... Mais d'où vient-elle, est ce Dieu qui m'envoie un mess... Ah non,


" La puissance, dès qu' j'arrive, sans la rage de vivre 
J'respire mon époque, ma vie mon rap s'entrechoque..."

 C'était juste Rohff.


" Qu'on m'aime, qu'on m'déteste, plus j'avance, plus j'progresse..."

Miraculeusement personne n'a capté la scène d'horreur sauf BFF que je pouvais désormais appelée ex-meilleure amie vu le regard de dégoût qu'elle a porté sur moi au moment précis de l'histoire.
J'ai refermé mon sac, j'ai attendu que le trajet se termine, je regardais par la fenêtre.

- Belle nuit hein ? j'ai dit à BFF
- Oui.

Le trajet s'est terminé dans le silence le plus complet puis nous sommes enfin descendues du bus.

- On se fait pas la bise hein ?
- Nan pas là.

Nos chemins se sont séparés, j'ai marché vingt minutes jusqu'à chez moi tenant l'objet du délit : mon sac à main et priant pour que je me fasse voler ce putain de sac rempli de mon propre vomi.

Hélas non, pas cette fois, pas ce soir.
Ce soir jeune fille, tu vas rentrer vider ton sac dans la baignoire, te rendre compte que tu y avais laissé ta carte d'identité, changer de nom et jeter le sac à tout jamais sans rien dire à ta mère.
Puis tu vas aller te coucher et espérer que demain ton amie t'enverras quand même un Wizz sur MSN pour te dire que t'es sa meilleure amie à la vie à la mort et au vomi.

Aujourd'hui jeune fille tu as gerbé dans ton sac à main et cela dans un lieu public.
Prie pour que demain le jour se lève sur une nouvelle ère, celui où tu n'aurais plus jamais à monter dans le 121.





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