L'avion & moi


Il fallait bien que je vous en parle un jour.
J'ai pris l'avion toutes les trois semaines pendant plus de dix ans, mon père ayant élu domicile dans le Sud de l'Amérique la France l'avion, était un peu devenu mon métro.
Puis l'âge, le business, la crise et mes week-ends bien remplis à traîner chez H&M et écouter Sniper, j'y suis allée moins souvent.

Depuis, j'ai développé une phobie de l'avion qui rend tous mes trajets dramaticomiques.
A l'image de ma vie dont tout est toujours paradoxal, j'ai peur de l'avion mais je le prends quand même #logique.
En même temps, pour aller à Miami c'est plus pratique que le covoiturage.

Sauf que ce n'est pas sans effort.
Il y a quelques années, en salle d'embarquement j'ai partagé la banquette avec un charmant Monsieur vêtu d'une longue robe blanche, d'une barbe et d'un keffieh.
Loin de moi l'idée de penser qu'il voulait faire un remake du 11 septembre sur le vol Paris-Montpellier, j'ai simplement jugé qu'on avait l'air con en robe quand on était un mec (Kanye si tu m'entends).
J'ai embarqué puis à peine montée dans l'avion j'ai commencé à transpirer et avoir le coeur qui s'accélère : symptômes récurrents dès que j'approche d'un aéroport.
Je me suis assise, je regardais droit devant moi tout en faisant des exercices de respiration et c'est à ce moment-là que Jean-Patrick* a (re)fait son apparition.
Je n'ai pas peur je n'ai pas peur ce n'est pas parce que le mec s'appelle Jean-Patrick qu'il va forcément faire exploser l'avion car il ne supporte ni le pastis ni la pétanque (sur ce point-là nous sommes deux Jean Pat).

* oui je ne vois pas pourquoi il ne s'appellerait pas JP.

Est-ce que j'étais assise au 15 B ? Absolument.
Est-ce que JP s'est assis au 15 C ? Évidemment.

Le personnel de bord a fait ses démonstrations de sécurité, je pleurais intérieurement de peur de m'écraser comme une merde dans l'océan avant d'avoir dit à Jonathan que je l'aimais et/ou que Jean-Pat ne décide de se lever soudainement en hurlant un truc du genre "allons au bar !".
Au moment du décollage, je priais silencieusement lorsque Jean-Pat s'ets mis à baragouiner des trucs dans une langue inconnue.
OH PUTAIN IL VA DÉTOURNER L'AVION.

J'ai regardé mon voisin, il avait la tête baissée, les mains devant les yeux : le gars priait en toute détente.

Ok donc je vais crever sponsorisée par Air France avant même d'avoir roulé une pelle à quelqu'un.

C'est le moment, on y est, courage Mona, ça va être rapide. Merci Seigneur pour toute ce que tu m'as apporté et offert dans ma courte vie, merci Sniper, merci Jonathan, merci la vie que tu m'arraches.
Je suis trop mal habillée pour mourir, ma vie aura vraiment été une fumisterie jusqu'au bout et ... oh non il recommence, je vais crever, on va tous crever.

J'ai mis en route "gravé dans la roche" dans mon Walkman et j'ai fermé les yeux en attendant la chute.
Quelqu'un m'a tapoté l'épaule, j'ai poussé un cri strident - mais sourd - c'était Jean-Patoche.

- Non pitié ...
- T'écoutes quoi ?
- Heu ... Sniper.
- Je peux écouter avec toi ? J''ai oublié mes écouteurs.
- Heu d'accord.

Bon.

Sorti de nul part ... c'était écrit c'est pas un hasard ... 



Il y a huit ans de cela, les vitres de l'avion que je devais prendre pour partir en week-end ont explosé en plein vol.
Le prochain affrété arrivait dans trois heures, le temps adéquat pour m'imaginer aspirée par le ciel si jamais la vitre re-éclatait.
J'ai finalement fait une crise d'angoisse. Trois stewarts, la dame pipi et le mec du Relay n'ont pas suffi à me calmer mais les cachets si.
J'ai dormi pendant deux jours et quand je me suis réveillée, c'était l'heure de repartir et de rentrer à Paris.

 

Un jour, les roues de l'avion que je devais prendre pour aller pour NYC ont explosé à l’atterrissage.
Une heure après les passagers descendaient enfin de l'avion et pleuraient en appelant leur famille pendant que moi, je pleurais en présentant ma carte d'embarquement.
J'ai passé tout le vol à écrire le discours pour mon enterrement. Une fois rédigé j'étais arrivée, j'ai donc gardé le discours pour mon prochain voyage.


Et le week-end dernier, après des années de TGV et de boycott, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai pris l'avion pour aller voir mon père.
Pour me donner du courage j'ai dépensé 15 € de macarons Ladurée et pour les ranger j'ai acheté un sac à main chez Victoria Secret.

Dans l'avion, enfin assise j'ai commencé à paniquer puis tout s'est accéléré quand le bébé assis derrière moi s'est mis à hurler et sa petite soeur à donner des coups de pied dans mon siège.



J'aurais pu passer outre si l'hôtesse ne m'avait pas ensuite demandé de ranger mon sac ailleurs car j'étais assise devant l'issue de secours.
Ok c'est mort je ne peux pas rester là. 

- Ok c'est mort je ne peux pas rester là.
- Vous n'êtes pas à l'aise Madame ?
- Non pas du tout.
- Ça se voit Madame.
- ...
- Vous avez mal dormi Madame ?
- ....
- Ça va pas fort hein ?
- ...
- Allez suivez-moi ...

Elle m'a fait asseoir au fond de l'avion à côté d'une petite fille trop mignonne qui arrivait de Guadeloupe et s'était tapée 9h00 de vol toute seule.
Nous avons passé l'heure à bavarder et jouer sur sa tablette. La petite m'a prise en photo et m'a maquillé avec son appli,

- Pourquoi t'as du bleu sous les yeux.
- Les cernes chérie, tu verras quand tu seras plus grande.
- Faut gommer les rides là ...
- Quelles rides ?
- Les plis là !
- J'ai pas de rides.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- N... OH PUTAIN ÇA BOUGE

*zone de turbulences*

- T'as peur de l'avion ?
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non.

...

Il n'y a pas de chute à cet article.
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IL N'Y A PAS DE CHUTE A CET ARTICLE.


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