Une meute de louves


Pour comprendre mon histoire il faut remonter quelques générations en arrière ...

Meghann, Maman et moi

Mon arrière-grand-mère italienne a eu huit enfants : déjà c'était un truc de ouf.
Quand je vois ma soeur parfois au bout de sa vie avec un seul gamin je me dis que la nonna elle assurait.
Son mari était très sympa mais très ami avec le vin italien, du coup elle s'est un peu démerdée toute seule pendant que le grand-père était au café avec ses amici.
En même temps à l'époque il n'y avait pas énormément de choses à faire dans le village, c'était soit le café soit l'Église. Disons que pépé préférait s'enjailler avec ses potes et comme il aimait beaucoup sa femme et bien quand il rentrait il lui faisait des bébés. Huit donc.

Tomaso et Francesca
Nulvi (SS) Italie

Puis vint la guerre. Mon arrière-grand-mère comme elle avait eu plein d'enfants, a pu nourrir tous les enfants du village grâce à son lait. En temps de guerre, c'était l'avarie partout mais grâce à ses boobs, tous les enfants ont pu être alimentés.
Elle a été le fournisseur officiel de latte et du coup elle a toujours eu des gros boobs.
Hasard ? je ne pense pas.
Hérédité certaine ? Sans aucun doute.

Un jour je vous raconterai comment mémé a planqué un bandit italien en cavale dans sa cave, parce qu'elle était révolutionnaire et surtout, avait des couilles.
Il en fallait pour tenir une maison et huit enfants quand son mari était absent.
Mon arrière grand-mère était une guerrière. C'est la mère de ma Mamé qui me manque tant.

Francesca et Tomaso
Nulvi (SS) Italie

Mon autre arrière-grand-mère a eu moins d'enfants mais les a élevés seule car comme il n'y avait pas de travail en Sardaigne à  l'époque, le pépé est parti bosser en Argentine.
J'ai toujours pensé que du coup j'avais de la famille là-bas (huit ans c'est long) mais j'ai jamais osé demander.
Elle a donc élevé ses enfants - dont mon Papé - toute seule, à la force de ses bras, de son coeur et de ses plantes car elle était guérisseuse. Oui mes amis, elle soignait grâce aux plantes.
Grâce à ce don elle a soigné tout le village.

Était-elle pote avec mon autre arrière-grand-mère ? Tout à fait.
L'une nourrissait, l'autre soignait.

Des femmes qui assuraient mes arrière-grands-mères.

Ma Mamé, je vous en ai parlé un peu lors d'un article assez triste mais sachez que c'était un rayon de soleil.
Ma/ sa famille a vécu des drames très difficiles et pourtant ... toujours debout, toujours courageuse, toujours une guerrière.
Elle a surmonté le pire qui puisse arriver à une mère et s'est occupée de sa famille, de ma mère, de ma tante, de mon Papé, puis de moi, de ma soeur et enfin de ma petite cousine comme une Reine, une vraie louve.

Elle est partie bien trop tôt, sans prévenir, sans qu'on soit préparé à cela et pourtant, sommes-nous préparés à vivre le départ soudain et prématuré de quelqu'un ? 

 
Mona et Mamé _ Tata Gavina, Mamé et Mia


Ma grand-mère n'avait peur de rien, c'était une battante, elle était dans la place et j'essaie chaque jour d'être à la hauteur de sa relève.
Lorsque nous étions petites, avec ma soeur, et que nous avions peur "du loup" elle nous disait dans le plus grand des calmes : "maaaa si il vient jé lo toue !" et nous répondions "bon bah ok, bonne nuit !" rassurées et sereines.

Toutes ces nuits à nous bercer, toutes ces fois où ma soeur se levait pour dormir avec elle et qu'elle virait mon grand-père parce que chez nous, les femmes ont du caractère et c'est pas un "vieux bonhomme" comme elle disait qui allait l'empêcher de dormir avec sa petite fille.
Une vraie louve, elle a su protéger son clan toutes ces années.

Une fois mes grands-parents ont failli se faire car-jacker. Mon grand-père est sorti de la voiture et le FDP l'a attrapé à la gorge. Ma grand-mère est à son tour sortie et je ne sais pas si elle lui a parlé en français, en italien ou en sarde mais notez bien que le mec s'est cassé en courant.
Elle n'avait pas le time Mamé.

Un jour je vous raconterai comment elle menaçait d'exploser les genoux de mon père et ce, à chaque fois qu'elle le croisait. 
C'est mon étoile, mon ange, ma protection. Elle me guide chaque jour et veille sur nous tous.


Puis forcément, la Reine, l'unique : ma mère.


Plus je grandis et plus je réalise tout ce qu'elle a fait pour nous. Élever ses deux filles seules, se retrouver jeune divorcée après un an de mariage parce que les hommes sont faibles et sans couilles (salut papa !).

Plus les années passent et plus je traverse les âges qui ont été les siens.
21 ans elle rencontrait mon père, 25 ans j'arrivais, 29 ans ma soeur débarquait à son tour, 34 ans elle se mariait et 35 ans mon père quittait notre maison.
Lorsqu'il s'est finalement rendu compte que la standardiste l'avait lassé et qu'il est revenu sonner chez ma mère, elle lui a sorti son plus beau "ah j'crois pas nan !" lui claquant la porte sur ses couilles molles.

Aujourd'hui, à 54 ans elle reste la mère la plus à l'écoute, la plus farfelue, la plus cool et la grand-mère la plus aimante du monde.

Les années filent et je réalise à quel point elle a géré notre vie, notre enfance, notre quotidien avec une main de Reine.
J'ai du mal à m'en sortir seule dans un HLM avec un Smic mais elle, elle a réussi à gérer notre vie à toutes les trois sans qu'on ne manque jamais de rien.
J'ai toujours eu le dernier blouson à la mode, suis toujours partie en vacances, eu des Noël féériques et chaque soir lorsqu'elle rentrait du travail sur son vélo, elle nous rapportait un petit cadeau. Toujours.
C'était notre moment à nous, son pouvoir de mère, notre pouvoir à nous, le pouvoir des trois.
Toutes les trois, entre filles puis femmes nous avons surmonté l'insurmontable à travers les années.

Elle nous a toujours fait confiance, nous a rendues autonomes et surtout, appris à s'assumer sans jamais avoir besoin d'un homme.

Ma mère nous a appris à être indépendantes et ne dépendre de personne.

Bien que certains moments de nos vies aient été chaotiques ma mère a toujours tout géré d'une main de maitre.
Ma soeur était folle, j'étais un boulet et pourtant elle ne nous a jamais lâchées.

Elle a toujours été cool, a toujours cru en nous et nous a sans cesse soutenu, quitte à nous laisser faire ce qu'on voulait parce qu'elle avait confiance en nous.
Elle avait raison car jamais nous n'avons eu de comportement déplacé bien que ma soeur ait mis le feu à un local EDF et qu'elle a à son actif quatre gardes-à-vue.
Mais là n'est pas le sujet.

J'ai toujours su que ma mère était douce mais je la croyais inoffensive. Je me trompais lourdement.
Je l'ai su le jour où j'ai fini par lui avouer qu'un garçon du quartier me martyrisait depuis des années et qu'elle l'a chopé dans la rue en lui disant de bien faire attention quand il marcherait la nuit.
Que le jour où il ne s'y attendrait pas elle arriverait par surprise avec une batte de base-ball et lui exploserait la gueule.
Comme je vous le dis, je le jure sur ma vie.

Le mec m'a-t-il déjà re-adressé la parole ? Absolument pas.

Puis le fameux jour où nous marchions dans la galerie marchande avec ma soeur et dont on parle encore, même dix ans plus tard.
Nous discutions lorsque tout à coup ma mère s'est immobilisée, nous a dit "je reviens" puis a fait chemin arrière en direction de deux hommes. Des adultes, d'à peu près son âge.
Elle s'est dirigée vers eux comme une furie, pendant que nous regardions la scène sans trop comprendre ce qui se passait. On n'avait rien vu venir ...
Arrivée devant eux, dans un élan de rage et de louve, elle leur a hurlé dessus, avec la voix et les mains à l'italienne, les traitant de gros porcs en criant qu'elle refusait qu'ils nous regardent comme ça.

- C'est inacceptable ! Vous n'avez pas à regarder mes filles de la sorte !!! Vous ne les regardez pas comme ça, baissez les yeux ! BAISSEZ LES YEUX JE VOUS DIT !!!

Elle les a tellement affichés qu'ils ont baissé les yeux comme des grosses baltringues et sont partis.
Elle est revenue vers nous comme si de rien n'était, tandis que nous restions interloquées, les yeux tout ébahis et les bouches grandes ouvertes.

Nous n'avions même pas remarqué que ces hommes nous avaient reluquées comme des porcs - l'habitude, malheureusement - de ce genre de situation.
Ma mère, elle, n'a pas du tout apprécié et leur a bien fait savoir.

Depuis ce jour, nous regardons notre mère différemment, on avait vu ses couilles, elle les avait posé devant eux et eux, n'étais pas prêts.
Une louve protège toujours sa meute.


 


Et ma soeur que je ne présente plus. Ma moitié, mon sang, ma vie.
Sans elle je ne suis pas moi, entre amour extrême et haine immense nous avons traversé les années et malgré le chaos notre lien inébranlable a toujours été là.

Ma seule et unique soeur avec qui je partage tout cet héritage et que j'aime intensément, qui nous a offert un louveteau qui illumine nos vies depuis cinq ans déjà.
Enceinte à 19 ans, jeune maman à 20 ans et mère célibataire peu de temps après. Les statistiques et les mauvaises langues lui avaient prédit un avenir à la NRJ12 mais non, oh que non, ma soeur est la personne la plus forte que je connaisse.
Elle a élevé son fils seule, à la sueur de son front et à l'amour de son coeur, une mère louve qui a toujours tout sacrifié pour son enfant.

Toujours apprêtée, toujours bien maquillée, quand tu la vois tu ne devines pas tout ce qui se cache derrière : la tristesse, la solitude, la maladie, les soucis ...
Elle offre à son fils une vie paisible et épanouie, même dans l'adversité.

C'est une maman seule, mais tenace. Une jeune femme tombée malade mais jamais à terre.
Qui a eu des gros soucis financiers mais a gardé la tête haute sans que jamais son fils ne s'aperçoive de rien et que sa vie soit la plus sereine et heureuse possible.
Elle cuisine pour nous tous, elle sait recevoir mais surtout donner. Le coeur sur la main mais prends garde elle peut aussi t'arriver sur la gueule en cas de crise.
J'en sais quelque chose.

Elle non plus ne s'est jamais laissée berner par un homme, quitte à renoncer au confort de la vie de couple pour privilégier sa vie de famille, sa seule raison de vivre : son fils, son louveteau.

 


La notion de sacrifices et de rester debout à travers les épreuves fait partie intégrante des femmes de ma famille.

Alors moi, j'essaye à mon niveau d'assurer la relève de tout cela. Je veux rester forte pour elles, pour moi et ne jamais m'abaisser devant quiconque.

Je me souviens de toutes ces fois où je me suis mise dans des situations qui me faisaient souffrir.
Toutes ces larmes non pas de tristesse mais de honte.
Je pensais à toutes ces femmes qui ne s'étaient jamais laissées faire, ni par un homme ni par qui que ce soit, tandis que moi je me complaisais d'une vie merdique de laquelle je n'avais pas la force de m'échapper.
Je restais dans ma souffrance car je n'étais pas assez forte pour en sortir.

Puis un jour ma mère m'a dit : "toutes les femmes de notre famille ont eu des couilles, elles ne se sont jamais laissées bouffer par un homme, ça ne va pas commencer avec toi" et ça a fait écho en moi, j'ai eu un déclic, j'ai réalisé d'où je venais et le patrimoine avec lequel j'avançais.

Depuis, j'ai tout changé dans ma vie et me suis promis à moi et à mes anges, que jamais je ne me laisserai abattre par un homme.
La vie c'est dur, les épreuves nous affaiblissent et c'est normal d'être déçu, triste parfois même anéanti.
Mais ça ne doit jamais durer jamais longtemps, parce que quoi qu'il arrive, la vie continue, avec ou sans toi.

On choisit de tout arrêter, abandonner. Ou bien de se battre pour son honneur et avancer.

Avec ou sans toi le soleil continuera de se lever.

Récemment j'ai vécu une déception amoureuse, comme ça nous arrive à tous.
Pour une fois j'avais donné autre chose que du cul, peut-être même un bout de mon coeur mais pourtant j'ai été déçue.
J'ai pleuré tout le weekend comme une baltringue puis me suis promis que dès lundi, je reprendrais ma vie de guerrière et c'est ce que j'ai fait.

Parce qu'avec le temps, les erreurs et les expériences, j'ai compris que tout n'était que des leçons, et j'ai beaucoup appris, énormément relativisé.
Avec le temps on sait ce que l'on veut, et surtout ne voulons plus.

Je viens d'une famille de vraies louves. Le lien qui nous unit notre trio, ma mère ma soeur et moi est indescriptible. Incassable, on a toujours tout traversé ensemble.

On vit ensemble on meurt ensemble.

Elles sont ma meute, la louve seule meurt, la meute survivra toujours.

Toutes les femmes de ma famille ont toujours traversé les épreuves et su protéger leur meute.
Elles font toutes ce que je suis aujourd'hui. Je leur doit tout : mes origines, ma force, et mon courage je les puisent en elles.

Alors quand j'ai décidé de me refaire tatouer c'était l'évidence, il n'y avait aucun doute.
Il fallait faire honneur à toutes les femmes de ma vie, les arrière grands-mères, ma grand-mère, les tantes, les cousines ... ma mère et ma soeur.

Faire honneur à notre meute.

Crédit photo : Stan DS.



Forza  




✲ Informations pratiques  :
Le tatouage a été réalisé au Tough Cookie Tattoo Shop à  Boulogne par Stan.
Le dessin provient d'un dessin retouché et personnalisé par Stan et moi.
La typographie a été faite par ma Young Matka.


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