L'enterrement cette grosse marrade

Ceux qui me suivent, dans la vraie vie ou sur les réseaux, ont eu connaissance du drame qui nous ont frappés, moi et ma famille très récemment.
Mon Papé, pilier de ma vie et de notre famille nous a quittés le 8 juin, au petit matin.

La date a son importance et je vais vous expliquer pourquoi mais pour cela il faut remonter au Camping de Royan en 1999.

Alors que ma soeur batifolait dans le petit bain et que ma mère préparait la salade de concombres, je lisais la rubrique "micro-trottoir" de son BIBA (magazine féminin pour mon lectorat masculin).

Je ne me souviens plus exactement du titre de l'article si ce n'est qu'il évoquait "ce jour où j'ai été fière de moi"  ou "le jour où j'ai accompli quelque chose de difficile malgré les évènements" bref, un des témoignages m'avait marqué et j'y ai souvent repensé.

Une femme racontait qu'elle avait perdu sa maman le jour de sa thèse ou de son doctorat, un jour d'examen important en somme et que malgré la douleur et la tristesse infinie, elle avait réussi à surmonter ses émotions et son chagrin et exceller lors de son passage.

Devinez qui a fait la même chose le 8 juin ?


Ai-je réellement passé mon examen final, mon oral de présentation de projet le jour du décès de mon grand-père ? Absolument.
Mon projet parlait-il réellement de ma famille ? Tout à fait.
La première page de ma présentation Powerpoint sur écran géant représentait-elle totalement ma famille avec mon grand-père au premier plan ? Évidemment.
Ai-je sincèrement chialé toutes les larmes de mon corps devant le jury à ce moment précis de l'histoire ? Et bien non.

Je n'ai parlé qu'à peu de personnes de cette journée spéciale, pas envie de me mettre à chialer en évoquant Papé, pas envie de me déconcentrer, pas envie de faire une crise d'angoisse devant toute ma classe.

J'étais en pilote automatique, je stressais comme une malade, je n'en pouvais plus tellement j'avais le bide retourné et pourtant, je l'ai fait.

Avec l'aide de mes camarades si chers à mon coeur, des messages de soutien de ma famille (oui ma mère pleurait de tout son être au téléphone mais a réussi à placer "tu vas y arriver ma chérie, on croit tous en toi, fais le pour lui" entre deux sanglots, du coup j'avais une putain de pression supplémentaire si j'échouais.

Si je foirais mon examen non seulement j'étais une grosse merde, mais en plus mon grand-père me regarderait de là-haut en secouant la tête et disant "mais nimpolte quoua" avant même d'avoir été enterré.

TOUT ALLAIT HYPER BIEN LE 8 JUIN * rimes*


Le jury m'a appelé quinze fois et j'étais trop occupée à me chier dessus (oui littéralement) pour les entendre. 

Quand enfin je me suis retrouvée devant eux, j'ai lancé le Powerpoint et j'ai dit :

- bonjour, je m'appelle Mona et je vais vous présenter mon projet ... et c'était parti.

20 minutes plus tard je sortais de la salle, j'ai failli tomber par terre tellement j'étais sous pression et j'ai rejoint mes camarades. Les examens étaient finis, on se voyait tous le soir pour fêter ça et ma formation s'achevait après huit mois de travail. Entres autres.


Les gars, j'ai reçu par mail ma note le soir-même et j'ai eu 16. Sur 20. 

Autant vous dire que là j'ai chialé toutes les larmes de mon corps.
Toute la pression accumulée depuis des semaines, l'hôpital, le jargon médical, sa chambre, son lit, nos visages serrés, mon mémoire, mes examens, la peur, le doute, toute cette journée oppressante puis enfin, la libération.

J'ai pleuré pour toute cette journée où je n'ai pas pu, pas voulu, pas eu le temps.

Mon Papé est parti le 8 juin 2018, le jour de ses 56 ans de mariage, rejoindre sa Reine au ciel, si c'est pas la classe putain (le putain était optionnel, que Dieu me pardonne).


Quelques jours plus tard c'était les funérailles, et là encore ce fut un vrai sketch.

Devinez qui a fait le DJ pendant les obsèques vu que le Père - je cite - n'avait qu'une prise djaque et rien d'autre mais vous pouvez brancher votre ordinateur ma fille ?


Obligée de lancer manuellement les quatre musiques que nous avions choisies pour la cérémonie svp.

A quel moment au cours de l'enterrement de mon grand-père j'avais le temps de lancer l'Ave Maria et d'écouter le prêtre en même temps ?

Bah attendez, vous allez vite le savoir.

Pour lancer la musique d'entrée à la limite c'était facile, j'ai branché mon ordi sur sa prise de 1876, ça a fait le bruit d'un 3310 sur une enceinte quand on t'appelait en 2001 (les vrais savent) et j'ai couru à l'entrée pour ne pas rater la musique et surtout l'entrée de Papé dans l'Église.

J'ai fait ça deux fois parce que le prêtre parlait devant le corbillard du coup on avait déjà perdu 2min25 de musique. 

J'ai recommencé, on s'est installés, ça a commencé.

Premier fail, on avait eu beau expliquer au prêtre qui lisait quoi, et à quel moment, ce sot m'a appelé pour lire le premier texte biblique au lieu de ma soeur, qui l'avait choisi spécialement pour Papé.

J'ai pas compris, je me suis levée, j'ai lu, j'ai toujours pas compris, je me suis rassise.

L'instant d'après ma soeur me fusillait du regard en disant "t'as lu mon text p'tiiiiin" et je me sentais hyper mal. 

Le deuxième texte a été lu, et ma soeur a continué de me regarder en me faisant des doigts avec ses orbites.

On l'a appelé pour le troisième, celui qui parlait maladie et autres joyeusetés. Ma soeur s'est levée tout en faisant la gueule mais avec ses Louboutins ça passait mieux.

Son petit corps de 15kg et son crâne chauve coïncidait totalement avec le texte, c'était limite poétique.

Ok j'ai menti pour le crâne chauve mais c'était plus drôle.

A plusieurs moments pendant la cérémonie, il y a eu des blancs.

Le curé repassait sa nappe, ajustait les verres et nous, on attendait... du coup, je ne sais pas pour vous mais à ce moment-là on se faisait un peu chier.

Comme je n'avais compris à quel moment il fallait lancer les musiques entre les interludes, j'ai cru bon de lancer l'Ave Maria à ce moment précis de la cérémonie.

Le curé m'a fixé comme jaja en susurrant du coin de la bouche "coupe coupe, pas maintenant, pas maintenant !!" et ce, devant l'assemblée et surtout devant Dieu.

Je me suis donc relevée devant l'assemblée et devant Dieu, j'ai mis pause * bruit du 3310 avant un appel feat ton Modem de 2004* et je me suis rassise honteuse comme quand mon grand-père m'a surprise dans la douche en train de ch... non rien.

Puis, le prêtre m'a enfin fait signe quand il avait fini son repassage et j'ai pu lancer l'Ave Maria en toute légalité, suivi de la musique que ma soeur avait choisi en souvenir de notre Papé, leur musique à eux.

C'était très émouvant, de la voir là, toute menue, toute noire (d'habits, pas de peau, ma soeur n'est pas malienne), les yeux rouges et bouffis par le chagrin mais surtout le souvenir que cette musique lui rappelait, et lui rappellerait jusqu'à la fin de sa vie.

Je l'ai rejoint, je l'ai prise dans mes bras. J'avais perdu mon grand-père, et ma soeur aussi. J'étais triste pour elle, elle paraissait tellement frêle, là, toute droite dans ses Louboutins et sa robe Gucci Petit Bateau taille 8 ans.

Sa musique s'est terminée, j'ai regagné mon coin ordinateur pour le final pour lancer la dernière musique, celle que notre mère avait choisi pour "la clôture", celle pour le départ de l'Église de mon Papé, la musique de fin, THE END, ciao finito bambino et bonjour chez vous.

Et là... comment vous expliquez...


Vous entendez els premières notes de la musique "sapés comme jamais ?" ou encore "fruit de la passion" ? ou bien "zouk machine" ou carrément celle de PS I LOVE YOU ? Vous savez la musique entrainante hyper joviale et hyper animée ?

C'était la même version sarde.

Imaginez une musique entraînante au max, sur laquelle il est IMPOSSIBLE de ne pas twerker ? et bien c'était celle-là.

Ma mère avait choisi une musique sarde extrêmement joyeuse pour le départ de Papé et ma soeur, les yeux rouges et trempés de larmes m'a regardée puis est partie en fou-rire.

Je l'ai prise par le cou en riant, elle m'a dit dans un sanglot-rire incontrôlable "mais qui a choisi cette musique putain !" et j'ai répondu "ta mère".

Papé est parti sous ces notes joyeuses, on lui a dit au revoir, nous étions toutes là, les femmes de sa vie, "ses filles" comme il nous appelait, on a écouté la musique jusqu'à la fin en souriant et j'ai su au fond de moi que tout irait bien.


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