Salut, je m'appelle Fred, on n'est plus des inconnus !

source : https://pauladuro.threadless.com

 

Sacré Fredo.

Il y a des gens comme ça, sans raison particulière on se souvient d'eux. J'appelle ça "ces gens qui marquent". Des rencontres, des personnes qui rentrent un instant dans votre vie et qui vous laisse un souvenir pérenne alors que vous les avez côtoyé à peine quelques minutes. 

Par exemple, un soir que j'avais assisté à une super soirée dans la campagne près de chez moi, thank God un Uber avait accepté la course pour me ramener chez moi. J'étais légèrement pompette, nous étions en plein mois de juillet et j'étais en mini short sur talons de 15.

Le mec est arrivé, et rapidement il a commencé à me parler de sa religion, de sa foi et tout ce qui s'en suit. Moi ? Je luttais pour ne pas vomir et surtout, n'avais aucune envie d'avoir ce genre de conversation, de conversion tout court d'ailleurs à 4h du mat.

Je l'ai vite classé dans la catégorie "mec relou qui fout la rage quand j'ai envie de vo-dormir" mais, au fil du trajet, alors que je laissais mon regard traverser la vitre de sa Twingo, je regardais le ciel en pensant à ma vie et j'étais là, les yeux perdus dans le vide de la campagne qui défilait sous les kilomètres, à méditer sur l'univers éclaté de mon existence.
Tu sais, CE moment de la soirée. Le moment où tu te mets à bader et te dire que ton monde n'est qu'un gros canular. La bonne ambiance !

C'est juste à cet instant que j'ai dit au chauffeur :

- je crois que je suis maudite.

Comme ça, d'emblée. Sans préambule, sans "tu peux ouvrir la fenêtre stp ? " ou "t'as pas une bouteille d'eau que j'évacue le rhum ?". Non rien de tout ça.

D'un coup d'un seul, je me suis mise à lui raconter ma vie et mon questionnement quant à la probabilité que quelqu'un ait égorgé un poulet sur une photo de moi lors de ma naissance pour que j'ai la chkoumoune comme ça.

Le fait hilarant de cette histoire, c'est que je ne me souviens absolument pas des problèmes que j'avais (ou non) à cette période de ma vie, je me souviens juste que je les ai raconté à mon chauffeur Uber.

Nous avons continué le trajet dans une ambiance paisible et hors du temps. Je me suis rendue compte que comme d'hab quand on se comporte en petite garce telle que moi, j'avais jugé le mec trop vite et qu'en réalité, ce moment avait été une bouffée d'oxygène, grâce à lui.

On a continué de discuter devant chez moi, alors que j'étais arrivée depuis 10 minutes et en partant on s'est serré la main, il m'a dit "prends soin de toi ma soeur" et ça a fait sens. Je me souviendrais toujours de ce moment. Quand fébrile j'avais bafouillé dans un relent de mojito "je crois que je suis maudite" et qu'un homme que je ne connaissais absolument pas m'avait réchauffé le coeur.

Bref, il y a des gens qu'on n'oublie pas, alors que son prénom si, totalement.

Et puis il y a eu Frédo ! Ah sacré Frédo.

Nous sommes en 2002, je vis à Montpellier quand j'avais encore un père et que je pensais réellement que vivre dans le Sud à côté de la mer effacerait mon mal-être adolescent où je suis toujours la meilleure copine de la fille populaire dont tout le monde est amoureux, que je redouble et que je fais un 40 et non un 36 comme toutes les filles du collège.

Est-ce-que cette année a été la pire de ma vie mais que grâce à ma solitude quotidienne j'ai écouté les trois premiers albums de Britney Spears en boucle et suis devenue bilingue ? Absolument

Je prenais l'avion comme tu prends le métro, et rentrais chez "moi", voir ma mère et ma soeur 1 fois par mois. J'arrivais le vendredi soir et repartais le dimanche soir, en larmes. C'était aussi une bonne ambiance ! Sauf que ce dimanche-là, rien ne s'est passé comme prévu.

Ce week-end, mes grands-parents étaient venus (Amour Eternel et Inconditionnel sur Papé et Mamé) et ma grand-mère nous a accompagné avec ma mère, en direction d' Orly Ouest.

Nous étions pépouze dans la Clio (RIP, elle a brulé pendant les émeutes de 2005)(même si on soupçonne un amant éconduit par moi-même de l'avoir calcinée mais là n'est pas le sujet) lorsque la voiture s'est mise à ralentir puis, s'immobiliser totalement et ce, sur l'autoroute menant à Orly.

Il faisait une chrana de chacal, 35 degrés à l'ombre et penaudes, en warning, nous nous sommes placées de l'autre côté de la barrière de sécurité, dans un véritable tsunami de poussière. 

Ma mère a appelé son assurance puis la dépanneuse mais SPOIL : elles ne sont jamais venues car elles nous manquaient à chaque fois et imposs de faire un demi-tour sur l'autoroute CQFD. 

Moi ? Je ratais mon avion me menant à mon désarroi donc j'étais super contente, hyper à l'aise en short et bandana dans les cheveux, poussière sur le visage et teint gris. J'ai toujours adoré ces ambiances apocalyptiques.

Ma mère était beaucoup moins jouasse, rapport à Mamé en plein cagnard mais comme elle disait "ma no ! tutto a posto !", elles ont patienté tranquillement tandis que j'écrivais dans la poussière "ci-gît ma vie, oups I did it again".

Pendant ce temps où je m'éclatais à ne pas repartir dans l'Hérault-sa-mère, mon père, lui, fidèle à lui-même était passé en mode tottaly taré et hurlait sur ma mère pour qu'elle appelle un taxi qui oui, s'arrêterait dans la plus totale décontraction pour m'emmener à l'aéroport selon sa logique car oui on peut commander un taxi en donnant comme indication "la nana en short juste derrière la barrière de sécurité après la station BP en direction de Orly" dans le monde fascinant qu'est celui du cerveau de mon paternel.

Il hurlait, insultait, menaçait, puis ma mère lui a rappelé qu'il s'était barré avec la standardiste ce qui manquait cruellement d'originalité, que personne l'avait forcé à vivre à 800 km de ses gosses et qu'il profite de ce moment pour aller se faire enculer.

Ma grand-mère a fait la traduction simultanée en italien pour que ce soit bien clair et il a raccroché, sans doute pour aller chercher la définition de testa di culo vu qu'il ne parle absolument pas italien.

Pendant ce temps, nous attendions et la partie non rigolote de l'histoire c'est que ma soeur avait son spectacle de danse, que nous l'avons manqué (moi j'étais censée être dans les airs et ma mère et Mamé dans la salle, rentrées depuis des heures), qu'elle était super fière que ma famille vienne la voir parce que c'était la Star de son cours et que quand elle a vu qu'il n'y avait personne elle a commencé le spectacle en larmes, mais n'a raté aucune figure.

Fin de la parenthèse larmoyante, revenons sur l'A86.

Les dépanneuses passaient mais ne voyaient ni nos bras levés et n'entendaient pas nos cris. Lorsque tout à coup ... une moto est arrivée. Elle s'est arrêtée près de nous, le gars a retiré son casque, il était brun pas dégueu avec une tête sympa et devait avoir l'âge de ma mère.

- Bah alors ? Un souci ?
- Non tout va bien on adore profiter du cadre de l'A86 en warning le dimanche soir ! Allais-je répondre mais ma mère m'est passée devant et Mamé m'a mis un tape sur le cul, signe qu'il se tramait quelque chose.

Ma mère a expliqué la situation et le motard a proposé de nous emmener à l'aéroport.

- MAIS NAN ! 
Non mais il sort d'où lui ? J'ai pas envie de rentrer moi, va faire du circuit, mytho sauveur en pompes de motos qui font tiep.

Ma mère, adorable et crédule a expliqué à Saint Bernard que c'était compliqué avec trois personnes et des valises. Le gars a dit qu'il ferait les allers-retours, ma mère a répondu que c'était trop complexe, il a répondu que pas du tout, Mamé a placé dans la conv que ma mère était célibataire, ma mère a dit rougeaude "maman arrête", j'ai répété qu'il avait des chaussures de merde, il a insisté pour nous emmener, j'ai crié MAIS NON encore, Mamé a dit que ma mère cuisinait bien et ma mère a finit par lui dire qu'elle ne montait pas (sur) la moto des inconnus.

Et là, Bernard a dit cette phrase magique :

- Bah voilà, je m'appelle Fred ! On n'est plus des inconnus !


J'en ris encore.

Au bout de 4 heures, un dépanneuse s'est enfin arrêtée, Fred est parti tandis que Mamé lui susurrait l'adresse de ma mère mais avec le bruit du démarreur de sa moto il n'a rien entendu et Fred a disparu comme il était venu, c'est-à-dire m'en toucher une sans faire bouger l'autre.

Trois ritales pleine de poussière dans une dépanneuse plus tard ... 

Le chauffeur avait eu l'excellente idée de mettre son gyrophare orange et nous a déposé JUSTE en bas de l'immeuble ou évidemment, tout mon quartier était présent et n'a perdu aucune miettes de cet épisode. Comme si faire du 90D à 13 ans n'était pas assez difficile, fallait que je me tape ce genre de honte alors que je ne vivais même plus là.

Ma soeur avait fini son spectacle depuis 2 heures et ne m'a plus adressé la parole jusqu'au mois suivant. Le lendemain, lundi donc, ma mère travaillant c'est sa copine Véro qui m'a emmené à l'aéroport. 

Alors qu'on était sur la célèbre A86, juste devant la station BP où la veille nous étions tombées en panne, elle m'a demandé si j'avais bien ma carte d'identité.

J'ai alors fouillé mes poches. Mon jean taille basse, mon sac bandoulière avec porte-clé Diddle, ma valise cabine et mon portefeuille à scratch Claire's quand soudain ...

- Oups ! I did it again.

1 commentaires