Ma société fête ses 5 ans : Girl Boss ? Pas du tout.

Ma société fête ses 5 ans : Girl Boss ? Tellement pas !

Témoignage d'une meuf qui ne sait pas trop où elle va, ni comment elle est arrivée là. 


Nous sommes le 22 janvier 2016.

J'ai rdv à l'Urssaf pour me renseigner sur le statut d'auto-entrepreneur. La conseillère s'appelle Hélène, je prends ça comme un signe car c'est le prénom de BFF. 

Elle me parle d'impôts, de prévoyance et d'ACRE. Je n’ai rien compris mais j'ai posé mes quelques questions, le rendez-vous a duré à peine 5 minutes et, sans trop comprendre ce qu'il se passait je suis ressortie avec un papier et mon numéro de SIRET.

J'ai à peine le temps de poster sur Facebook que j'ai mon entreprise que déjà on me contacte pour travailler. 
J'ai rencontré le mec dans un café d'intellectuels à Odéon, j'ai commandé un thé à 6€ et je notais sur mon carnet Chanel tout ce qu'il me disait comme si je comprenais alors que je ne pipais queud.
Il me causait "
branding, marketing, benchmark et social media",  je ne comprenais que dalle mais je notais tout. 

J'étais une novice, j'étais venue la semaine précédente pour me renseigner sur un statut et j'étais devenue auto-entrepreuneur  entrepreneur alors que je ne savais même pas l'écrire.
Je me suis acheté plein de bouquins sur la communication d'entreprise que je n’ai jamais lus, même si bien évidemment je savais en quoi consistait mon métier. J'ai commencé à bosser avec ce mec rapidement, avant même de parler chiffre. 

Erreur de débutante, mais j'avais mon premier client = fierté immense.
Quand j'ai finalement envoyé mon devis pour les trois mois de taf, le mec a bégayé - sans surprise - puis il m'a ghosté. 
Moi je n'avais absolument pas son temps et j'étais plus audacieuse que maintenant. Ou du moins, moins pro mais nonobstant hilarante. 

J'ai donc changé tous ses mots de passe de réseaux sociaux, et j'ai attendu qu'il me paye pour lui rendre.
A NE PAS FAIRE, mais c'était très drôle. Le gars a mis 2/3 mois à s'en rendre compte (c'est vous dire le professionnalisme du type) et quand son associé m'a appelé pour savoir ce qu'il se passait, il n'était même pas au courant de nos différentes de chiffres.
Gros différent même. Le mec me devait 300€, il voulait m'en donner 50.

Et puis un jour, lasse et souhaitant sortir de ces Bad Vibes, j'ai donné les mots de passe. 
C'était plus drôle, ça me prenait la tête et je voulais tirer un trait sur cette histoire pour passer à autre chose. 
Le mec m'a finalement payé 150€ et l'histoire s'est terminée là. Depuis, je fais toujours signer des devis avec bon pour accord et des contrats quand je bosse avec mes clients.
La blague, c'est que les mots de passe que j'avais changé, c'était pour mettre ITSBRITNEYBITCH.

A l'époque, mon but dans la vie c'était d'avoir un numéro de SIRET, être "freelance". Ca parait stupide avec le recul mais être "à son compte", signifiait forcément réussir et être autonome pour moi. 
Je jalousais et admirais toutes celles et ceux que tu googlais et trouvais leur SIRET. Leurs noms étaient rattachés à une société, ils étaient indépendants, c'était beaucoup trop classe, ça avait de la gueule. 

Un peu comme d'avoir une carte de presse. Avec mon SIRET j'avais la sensation de réussir quelque chose, d'appartenir à un clan sélect de "freelance", de m'en sortir dans la vie, de trouver ma place.

Le temps a passé, j'avais un boulot salarié et j'ai déclaré zéro chiffre d'affaires pendant près de deux ans. Mais mon numéro existait, et moi avec. Avec le recul c'est très bizarre le rapport que j'avais à ce simple numéro, alors que je ne l'utilisais même pas. J'ai voulu plusieurs fois fermer mon entreprise mais ma mère me conseillait de le garder, que ça pourrait me servir un jour et qu'au "pire", au bout de trois ans ma société se fermerait toute seule.

Et puis, j'ai fait ma reconversion et enfin mon stage. Et partant, j'avais dit à mon ancien client que s'il avait besoin de moi un jour, j'avais un numéro de SIRET, que j'étais aussi free-lance.

Le mec m'a rappelé trois semaines plus tard pour me proposer un projet et j'ai commencé à travailler pour lui. La blague c'est que j'ai bossé pendant des années pour sa boîte, qui était un établissement libertin, échangiste. Qui rigole ? Ma grand-mère.

Puis, j'ai aussi bossé pour son frère, et quelqu'un d'autre de mon réseau, et un autre, et encore un autre.
Mon activité free-lance est devenue ma principale, même si j'étais toujours au chômage. En plus, comme l'immatriculation de ma société datait d'avant mon chômage, j'ai cumulé les deux pendant 1 an.

Un SMIC assuré + tous mes revenus d'auto-entrepreneur. Je vous laisse imaginer ... j'ai très bien gagné ma vie.

Là où c'était con, c'est que j'avais bénéficié de l'ACRE "dans le vent", pendant deux ans vu que je n'avais pas fait de chiffre. Donc mon exonération, puis ma réduction d'impôts elle ne m'a servi à rien. Lorsque j'ai commencé à déclarer un chiffre d'affaires, j'étais déjà à presque 20% d'imposition.
J'ai donc "perdu" deux ans de réduction d'impôts.
Ndrl : d'où l'intérêt de bien se renseigner avant toute immatriculation ou question sur l'ACRE.

C'est à ce moment-là que j'ai réglé mes problèmes d'argent. Je n'ai plus jamais été à découvert, j'ai appris un gérer un budget, à regarder de très près mes dépenses, le montant de mes charges fixes, mes frais et à épargner.
Je me suis offert des voyages, j'en ai aussi offert (et non, ils ne sont pas rétrocédés quand tu te sépares - oui ça fout le seum). 

Rappelons-le rapidement, j'ai toujours eu un problème avec l'argent. J'en ai toujours dépensé beaucoup plus que ce que je gagnais, me mettant parfois dans des situations très compliquées. J'ai été fichée bancaire 3 ou 4 fois dans ma vie, dont la première à 20 ans. 

Je n'avais jamais été "pas à découvert" et j'ai été privée de moyens de paiement pendant près de six mois juste avant de commencer ma formation. Je regardais tout au centimes près ensuite, ça veut dire que quand je louais mon appartement sur Airbnb et dormais chez ma mère, les 139€ que je gagnais ils me servaient à rembourser mes dettes avant même de faire mes courses. 

Donc inutile de vous dire que je ne mangeais ni bio, ni local.

Bref, au bout d'un an d'allocations de chômage (+ d'activité free-lance), mon auto-entreprise est devenue mon unique source de revenus. J'ai continué de gagner ma vie correctement, de bosser et me faire un réseau.
J'allais aux évènements d'entrepreuneurs d'entrepreneurs (je ne sais jamais l'écrire putain), je commençais à avoir une petite réputation dans ma commune et ma mère adorait dire à qui voulait l'entendre que j'étais PDG.
De moi-même mais peu importe.

J'ai beaucoup appris. De mes erreurs, des limites à avoir avec les clients, de ma façon de m'organiser, du rythme, de la prospection, des bonnes et mauvaises pratiques etc. 

J'ai acquis beaucoup d'expérience, j'ai enrichis mes compétences, j'avais mon bureau dédié dans mon salon, mon statut, mes tunes. C'était cool.

J'adorais dire que j'étais à mon compte dès qu'on me demandait ce que je faisais dans la vie. 
En soirée, sur Tinder, en famille : j'étais très fière de mon parcours même si je ne m'en suis pas vraiment rendue compte sur le moment. Avec le recul, je déplaçais des montagnes.

J'ai payé mon permis, mes voyages, mes week-ends, des cadeaux, des cheveux ... et puis un jour, la vie, les épreuves, j'ai fait une grosse dépression.

En parallèle, mes contrats se sont finis petits à petits. C'était la fin de l'année, je devais trouver d'autres clients mais j'étais au fond du trou et incapable de faire quoi que ce soit.
Je n'avais pas la bonne posture vu que le chagrin et le désarroi se lisaient sur ma gueule. Je n'arrivais plus à me lever, donc autant vous dire qu'aller chercher des clients ou réseauter, c'était infaisable.

J'avais besoin de me remettre sur pieds, j'avais besoin de temps, de sombrer pour pouvoir remonter.

J'étais perdue, je ne savais plus où j'allais ni vers où me diriger, quoi ou encore comment.
J'ai été rattrapée par la vie et je n'arrivais plus à faire front. Ca a été très dur. Pourtant, il fallait gagner ma vie pour la conserver. Mon appart, mes frais, mes courses de "riches".
Manger bio, sain, des légumes de saison, des produits locaux, du bon fromage à la truffe : tout ça avait un prix.

J'ai commencé à chercher du boulot, le temps de me "remettre". Ce fut mon premier gros échec. 

J'étais jadis la Boss du Game et je cherchais un taf alimentaire car je ne m'en sortais pas. J'étais à terre, pas sur le trône. J'ai finalement trouvé un plan pour travailler dans une boulangerie pour pouvoir payer mes factures, adieu le SIRET et la gloire.



J'ai très mal vécu cette régression. J'avais un Bac +4, une entreprise et j'étais incapable de faire quoi que ce soit d'autre qu'un boulot "alimentaire".

J'aurai aimé vivre dans un trou, ne voir personne et ne plus en sortir. Je n'étais plus faite pour le monde extérieur, je ne me sentais plus en sécurité, plus en phase. J'étais complètement à côté de tout, comme une droguée qui n'aurait plus de came pour tenir dans son quotidien morose : je n’avais plus rien, j'étais vide.

Je déambulais dans ma vie comme un zombie sans savoir ce que j'allais faire de mes journées hormis pisser, dormir et pleurer. Recommencer chaque jour etc etc.

Et puis, finalement je n'ai pas eu le temps de travailler en boulangerie qu'on me rappelait pour un travail dans mon secteur, auquel j'avais postulé à 2h du matin, un soir d'insomnie.
Bien payé, CDI, à côté de chez moi, horaires cool. Dreams comes true.

Je me souviens du jour de l'entretien. J'attendais dans le hall d'accueil sur les fauteuils en skaï affaissés et j'ai failli partir en courant. J'ai commencé à faire une crise d'angoisse, je ne voulais pas être là, à travailler, dépendre des gens, dans un bureau qui pue la moquette et le café. Mais je n'ai pas eu le temps de courir qu'on venait me chercher.
Deux semaines plus tard j'étais embauchée

C'était un renouveau, une renaissance, ma nouvelle vie. Un salaire fixe et assuré, des collègues, un rythme. J'ai découvert une nouvelle routine : auto, boulot, apéro.
J'ai rencontré des filles super qui sont maintenant mes amies et les choses allaient plutôt bien si on oublie que mon boss était un psychopathe.

Puis, il y a eu le Covid, et le chômage partiel mais total (c'est quand tu ne bosses pas du tout mais que t'es quand même payée à quasi 100%).
Et là c'est parti en couilles.

Je me suis aperçue de la vraie face de mon travail et de ceux qui dirigeaient, et sans rentrer dans les détails, j'ai très vite réalisé que je devais sauver mon cul. Très, très rapidement.
J'ai mis tout mon temps et mon énergie à trouver un plan B et peu de temps après la fin du confinement Saison 1, j'ai commencé un nouveau boulot.
Où je travaille toujours.

Fin 2020, grâce à mon réseau (= ma mère), j'ai retravaillé un peu en free-lance. Je dis un peu car ce n'était ni cadré, ni très pro. J'ai plutôt "aidé" des gens, qui m'ont "filé un petit truc", pour remettre un pied à l'étrier. Et la vérité : ça m'avait manqué.
La liberté d'action, de rythme, être la Queen Boss. Connaître son métier, savoir de quoi on parle, qu'on t'écoute, te respecte, te consulte, te demande conseil. Des gens qui mine de rien dépendent de toi et de tes capacités, être utile, être reconnue. Et être payée pour ça, même si c'est dérisoire.

De pas devoir écouter les directives de personnes incompétentes mais ne rien pouvoir dire car tu n'es qu'une exécutante, que ce n'est ni la société de ton père (encore heureux d'ailleurs mais là n'est pas le sujet), ni la tienne. 

Fais ce qu'on te dit même si c'est ridicule, même si c'est du bullshit, même si ça ne mène nul part. Ecouter des consignes stupides à appliquer comme une chèvre parce que c'est ce qu'on te demande. Un peu comme un militaire, le côté "garant de la sécurité du pays" et le treillis en moins.

La vérité, c'est que je n'ai plus la force, ni la volonté motivation.

Si je n'avais pas trouvé un boulot en janvier 2020, non seulement j'aurai encore plus plongé dans les tréfonds d'une dépression sévère mais surtout, sans aucun revenu.

Je ne sais absolument pas comment j'aurai géré l'année 2020 Covid no-friendly avec mon auto-entreprise. Sans aucun doute : très mal. Donc autant vous dire qu'avoir un salaire fixe a été plus que bénéfique pour moi pendant cette crise, que nous traversons toujours.

Aujourd'hui, j'ai toujours un salaire assuré et un CDI. Est-ce-que je suis heureuse et épanouie dans mon travail ? Putain que non.
Qu'est-ce que je suis prête à mettre en place pour arranger ça ? Absolument rien, parce que j'ai perdu mes couilles, à défaut d'avoir pris 15 kg.
Est-ce-que tout est lié ? Probablement.

Je n'ai plus le courage de reprendre mon activité à temps complet, et tout miser sur ... moi-même.

Prendre un risque, un très gros. Je suis devenue cette personne trentenaire qui voudrait acheter une maison et a besoin d'un CDI pour son prêt sur 20 ans, et n'a pas le temps de se lancer dans des projets bancals (j'avais écrit bancaux), comme mon esprit.

J'aurai trop peur que tout foire et tirer un trait sur mon salaire, mon train de vie, ma mozzarella à la truffe et mes week-ends à Deauville.
Mes crises d'achats compulsifs sans me soucier d'avoir le budget pour.

Pourtant, j'ai/ j'avais ? réussi. 

Il y a deux ans, j'étais totalement indépendante, libre et "riche". Mais c'était avant.
J'ai la sensation d'avoir joué ma carte de la réussite et que je ne la repiocherais pas. 

Je me cache derrière des petits contrats claqués et à bas prix, pour justifier de bosser "un peu" en free-lance, mais tout en gardant mon CDI à côté et donc, ma sécurité financière.

Je n'ai clairement plus aucune audace, courage ou couille depuis. Envolés, comme mes rêves (c'est faux, mais c'était poétique).

Je suis toujours les tribulations de mes consœurs free-lance avec admiration et jalousie bienveillante.
Julia, tu es et resteras mon modèle de réussite. Julie aussi. Mais la peur a pris beaucoup trop de place pour que je redevienne la Reine de moi-même.

Peut-être que je ne suis pas prête, pas encore ? Que quelque chose d'extraordinaire m'attend et qu'à ce moment-là, je saisirais ma chance. En attendant, je subis ma vie professionnelle avec beaucoup de douleur. 
Je me déteste d'avoir écrit ça alors que je sais que je mérite tellement mieux qu'une vie à me contenter au lieu d'agir, d'être dans l'action, dans la liberté, dans l'épanouissement.

Je ne m'en sens tellement pas capable pour le moment.

Aujourd'hui ma société a 5 ans. Et je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou pleurer.

Il suffit parfois d'une conversation pour que j'ai de grandes idées et de grands projets. J'ai des amis en or qui me soutiennent, me boostent et m'aiment d'un amour si fort que je pourrais me présenter à la Présidentielle si je les écoutais. Alors pourquoi lorsqu'on je les quitte puis rentre chez moi, je reprends ma vie de victime ? 

Peut-être que j'attends le miracle, l'heureux hasard, L'Opportunité... mais dans le fond je sais bien que non. Quelque chose de génial m'attend, je dois juste trouver quoi. Et attendre le bon moment pour (re)briller.

Cet article décousu c'est la vraie vie. Ma vraie vie. Sans mensonges sans faux-semblants.

Je vous rassure (ou pas, on s'en BLC), hormis ça tout va bien. Je suis très heureuse dans ma vie, enfin je crois, le pro prenant parfois le pas sur le perso. Mais ça va.

Je travaille dur sur moi-même pour m'améliorer, me délester des doutes et des 15 kg, des personnes toxiques et des Bad Vibes.

J'avais besoin de me confier, de tout mettre à plat pour peut-être me mettre un coup de pied au cul avec cet article.

Je suis capable ? Je suis capable. 
J e  s u i s  c a p a b l e.

Mon moment (re)viendra, je patiente, j'analyse, je comprends, je m'interroge et un jour : je sortirais de tout ça, pour (re)devenir la Queen Boss !


Mais sans mourir poignardée par l'homme que j'aime et qui est mon neveu

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